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26                DE LA POÉSIE ET DU STYLE

individuels. Le XVIIIe siècle , en faisant disparaître de la
langue toute les traces de l'imagination, du caractère, favo-
risait beaucoup l'étude et le progrès des sciences exactes ;
mais à cette langue , ainsi privée de coloris , d'accent et de
relief, il rendait impossible toute œuvre d'imagination.
C'est ce qui est arrivé, en effet ; depuis Voltaire jusqu'aux
grands poètes contemporains qui ont renouvelé la langue,
il n'y a pas eu dans le style la moindre puissance d'imagina-
tion et de poésie.
    Ce n'est pas seulement en leur créant une langue claire ,
précise , exacte , que le XVIIIe siècle a favorisé le progrès
des sciences , il a répandu le goût de l'observation de la
nature , le goût des recherches positives et pratiques ; il a
créé, enfin, ce que nous appellerons l'esprit scientifique
moderne. Par là il a préparé le grand mouvement industriel
sur lequel notre époque fonde de si belles espérances et qui
nous inspire tant d'orgueil.
    Nous n'avons pas à juger ici l'esprit scientifique moderne,
mais à cause de l'influence qu'il a eue et qu'il aura sur les
lettres et les arts , nous avons dû constater son apparition
comme le grand fait intellectuel du XVIIIe siècle. Sans
essayer de le définir, distinguons-le soigneusement du
véritable esprit philosophique. La philosophie comprend
toutes les tendances de l'âme , toutes les opérations de
l'intelligence , tous les besoins ; elle établit entre eux une
hiérarchie légitime ; la philosophie est le soutien naturel de
la poésie et des arts, elle connaît leur rôle dans l'âme
et dans l'histoire ; elle se glorifie de faire partie des lettres.
La poésie et les arts grandissent toutes les fois qu'ils se
rapprochent d'elle.
    L'esprit scientifique moderne . puisque nous n'avons à
 l'apprécier ici que dans son rapport avec les lettres , a com-
 mencé au XYIII" siècle par appauvrir, par énerver, par déna-