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-i 18                ESTIENNE DU TRONCHET.
« présenta devant les yeux l'esprit duquel sans autre mixture
« d'os et de chair vous scmblez estre divinement composée. Il
« me semble cneorcs qu'en ce poinct le sens des oreilles ine fusl
« pénétré de l'efficace de ces vives paroles qui trespassent les
« cœurs, avec si louable manière de douceur , que chacun qui
« en est assailli, est contrainct de se constituer en proye de vos-
; tre perpétuel service. Tout ainsi que maintenant je me trouve,
<
« de sorte, Madamoyselle, queje vous supplie adviser en quoy je
« me pourray rendre doresnavant digne de vos commandemens,
« Et croyez que je ne seray moins dévot et affectionné à vous
« obeyr que si veniez mesmes m'employer à la servir avec re-
« compense d'éternelle dilection. »

   Autre déclaration à une autre demoiselle :
   « Il ne peut tomber de mon opinion que lorsque vous estes
 « allégée des plus nobles sollicitudes, et que vous vous trouvez
 « quelquefois libre de vos plus amoureuses volontés, vous ne sentez
 « trotter parmi vostre estomach, mes ardantes affections, qui, au
 « circuit de la sérénité de vostre face , déracinent les aisles , et
 « tiennent ferme et constante leur lumière en la clarté de vos
 « yeux, et que, lors, les gracieux zephires de mes soupirs, qui
 « sont d'heure à autre, par les souffles de mon âme amoureuse
 « mandez et expédiez, ne confondent la neige de vostre rigueur,
 « avec le feu de ma dilection , pour eschauffer les glaçons de
 « vostre pensée. »
   Cette phrase poussive n'est-elle pas le chef-d'Å“uvre du genre?
 Sans contredit, elle eut fait envie à Thomas Diafoirus lui-même.
 Au reste, ce langage si boursouflé avait pris sa source dans les
 romans de chevalerie qui avaient fait fureur sous Henri II : depuis
ce temps, grands seigneurs et bourgeois s'évertuaient à l'envi à
amadiser. De la Noue dans ses Discours politiques et militaires
donne sur ce point les éclaircissements les plus positifs et les
plus curieux.
   11 ne faudrait pas croire cependant que du Tronchet fût tou-
jours dans les nues ; il a parfois, mais c'est bien rare, le tour
gaulois. Alors, il éprouve d'autant mieux le besoin de se détcu-