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414                         •NÉCROLOGIE.

         A la blanche muraille une teinte rosée
         Flottait, ainsi qu'au front d'une jeune épousée
         Qui rougit de pudeur à genoux devant Dieu.
         Dans leurs nids les pigeons rentraient avec mystère,
         Et leur folâtre essaim, dans la pourpre du soir,
         Se jouait sur le bord du grand toit solitaire ;
         Une plume échappée à quelque aile légère
         Venait en tournoyant tomber dans l'abreuvoir.
    C'était ses derniers adieux qu'il nous adressait, car le mal
progressait rapidement ; on se faisait vainement illusion ; les
forces du malade s'épuisaient et, en le voyant errer pâle et affai-
bli sur les bords de l'Albarine, on pouvait, sauf les soins tendres
et dévoués de sa femme et de sa mère, le comparer au malade
de Millevoye. Enfin sa famille et ses amis prirent sérieusement
de l'inquiétude ; on apprit bientôt qu'il ne quittait plus son
lit, et, à la chute des feuilles, le 2 novembre 1854, il mourut,
jeune encore de vie, de pensées et d'imagination, après avoir
rempli, avec une foi profonde, tous ses devoirs de chrétien.
   Nous ne savons quelle réputation il aurait pu obtenir si, lancé
dans le tourbillon d'une grande ville, il avait fait sérieusement, et
comme tant d'autres, le métier d'écrivain. Il y avait de l'étoffe
dans ce caractère et cette imagination. Il n'aurait point été, nous
le croyons, un écrivain vulgaire ; il a mieux aimé rester auprès
de la tombe de son père, entourant de son amour sa mère, sa
femme et son fils, vivant de la vie calme et monotone d'une pe-
tite ville et ne demandant à Dieu qu'une humble et modeste part
de bonheur ; nous croyons qu'il a sagement fait.
   Ses amis ont ouvert une souscription pour lui élever un tom-
beau. Une souscription dans les campagnes ne peut donner un
mausolée, elle a suffi pour lui obtenir une pierre sculptée avec
goût par un artiste de Bourg. Cet humble monument et un mo-
deste petit volume seront la part la plus précieuse de l'héritage
de son fils ; ils apprendront à cet enfant la modération et le peu
d'ambition de son p è r e , et ils lui diront que, dans sa modeste
condition, celui dont il porte le nom eut du talent et des amis.

      14 avril 1855.
                                                      A. V.