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374 LETTRES INÉDITES que je connoisse, quoique à la lecture il ne manque pas de quelque intérêt. Vous tombez ce me semble dans une grande erreur en disant que le public n'est pas si déraisonnable dans sa prédilection pour l'opéra comique dans le genre actuel, qu'on a bien fait de donner à ce genre des allures plus dramatiques, et le plus ou moins de succès du vaudeville ne fait rien au bon goût. Voilà en très-peu de mots trois hérésies nouvelles,- et il me faudroit trois fois l'étendue de cette lettre pour les combattre-, et je me bornerai à vous dire, à défaut de temps, que le public, par celte prédilection, a porté le coup de grâce à l'art dramatique, surtout dans les provinces. Ce coup eût été moins dangereux si l'opéra comique se fût borné à son genre, qui est le genre gai et même un peu croustilleux ; mais en le modiBant, en cherchant à y mettre du sentiment et de l'in- térêt, on a achevé de fixer le goût du public qui éloit encore incertain, de le détacher de la tragédie, qui étoit souvent au- dessus de sa portée, el où il ne va plus chercher des émotions depuis qu'il en trouve dan9 l'opéra comique, et de lui faire perdre le goût de fa haute comédie, qui exige, pour être bien sentie, une certaine délicatesse d'esprit, une certaine connois- sance du cœur humain dont il n'est plus maintenant suscep- tible. L'opéra et la farce, voilà maintenant tout ce qu'il veut, et il rejelle tout ce qui n'est pas cela, et vous trouvez que ce n'est point déraisonnable. Vous dites, en second lieu, qu'on a bien fait de donner à ce genre des couleurs plus dramatiques. Je n'examine point si l'on peut appeler de ce nom des senti- ments exagérés et faux, des événements hors de toute vrai- semblance, des caractères hors de la nature, le mépris de toutes les convenances théâtrales, des machines au lieu de situations, et des parades de toute espèce au lieu d'intrigue et de conduite. Voilà les couleurs dramatiques dont on a re- vêtu l'opéra comique moderne. Cela vous plaît, à la bonne