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FEDOR ET LOUISE, 33') yeux fendus, tantôt verts, tantôt rouges, leur marche tortueuse, leur ruse... tout en eux me les rend aussi odieux qu'un crapaud. Je tue les bètes que je né puis souffrir à cause de leur aspect re- poussant. Tels sont les cure-oreilles, les cloportes, les crapauds, les grenouilles, les lézards, les chats , les chenilles et tant d'autres ! — Mais qu'y peuvent ces pauvres bêtes, si le bon Dieu ne les a pas faites autrement, lui répondit Louise. Ne sont-elles pas assez malheureuses si elles ont une forme repoussante ? Si tu étais louche, si tu avais une jambe tordue ou une bosse, et que Ton voulût te tuer à cause de cela, en serais-tu content? — Eh! dit Fedor : un homme n'est pas un chat ni un crapeaud. — Voilà une belle réponse, dit Louise. Elle sortit du grenier avec la résolution de faire à la chatte tout le bien qu'elle pour- rait en compensation du mal qu'elle avait éprouvé. CHAPITRE V. 1», NE FAUT PAS SANS NÉCESSITÉ PRIVER UN ANIMAL DE SA LIBERTÉ. Il est d'usage de placer les prisons dans les rues les plus étroites et les plus désertes de la ville. Les fenêtres ne sont que de petites ouvertures afin d'empêcher toute relation des prisonniers avec le monde. Privé à peu de choses près de l'usage de ses sens : de la vue, de l'ouïe, de l'odorat, du goût et même du toucher, il ressent d'autant plus amèrement la privation de sa liberté. Il n'y avait pas en faveur de Barenbek d'exception à la règle ; sa chambre, qu'il devait partager avec d'autres prisonniers, était sombre même au milieu du jour. Au travers des barreaux qui fermaient sa fenêtre, il n'apercevait que le mur noir d'un bâti- ment qui servait d'entrepôt ; on ne voyait aucun habitant à ses rares fenêtres. Une seule laissait soupçonner qu'un être humain habitait derrière ses vitres, car un écureuil y était attaché avec une chaîne auprès de sa petite cabane ; Barenbek pouvait voir ce seul être vivant, en montant sur un marche-pied que son épouse lui avait donné avant son départ. C'est là que le prisonnier ,