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292 LETTRES INÉDITES a donné à la dame Screulzer dans Nina, J'ai vu la dame Dugazon dans ce rôle , et je vous assure que je n'en ai point été enchanté, et que je suis Irès-porlé à croire qu'on peut le jouer aussi bien et de plusieurs manières différentes. Tout ce qui est hors de la nature , est beaucoup moins difficile à rendre qu'on ne le croil ; il y a tant de manière d'émouvoir, qu'il n'est point difficile d'en rencontrer de bonnes. Ce rôle de Nina est donc plus facile à jouer qu'on ne se l'imagine, et si la dame Screulzer n'avoit que ce succès à faire valoir, je n'en aurois pas une grande idée. Au reste, ce rôle m'a tou- jours étrangement révolté. Il faut laisser les fous dans les hôpitaux, et c'est l'être autant qu'eux, que de les transporter sur la scène. Je n'approuve donc point ces sortes de rôles, sans en excepter le Roi Léar , le premier et le plus intéres- sant de tous les fous dramatiques. Pourquoi offrir aux spec- tateurs la représentation d'une chose dont ils fuiroient la réalité? Comment prétendre nous intéresser par le spectacle d'un homme qui a perdu l'usage de sa raison? Il ne peut exciter que le dégoût, ou tout au plus la compassion , celte pilié stérile, bien différente de celle pilié ardente et glorieuse, qui est un des principaux ressorts de la tragédie. Laissons donc lousces fous et ces folles sous les verroux, et occupons- nous d'objels plus intéressants et plus gais. Je crois qu'on ne peut en traiter un qui vous soil en ce moment plus agréable que la dame Screulzer Parlons-en donc, puisque c'est vous faire la cour que de vous en entre- tenir. Loin de détourner ce que vous-même appelez votre en- gouement pour elle, je serois le première vous en féliciter. Je me réjouis de vous trouver enfin un goût un peu vif pour quel- que chose , et de vous voir sortir de celte espèce d'indiffé- rence , que ceux qui ne vous connaissent pas , prendroient pour de l'apathie, et que moi je qualifie de paresse de jouir. En matière de goût, que vous diroi—je? Une aclrice qui a