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  174                     EXPOSITION DE 1 8 5 4 - 5 5 .
  où l'abus des tons entiers et francs tombe dans une fort désagréable dureté.
  Le Temps gris est une petite perle.
     M. Boze est le clair de lune de M. Loubon. Il peint aussi de fort jolies
  choses. Voyons maintenant M. Simon. Heureux pays que cette Provence où
  les coiffeurs et les boulangers riment, où les coiffeurs encore font des ta-
  bleaux , pour ne pas dire qu'ils peignent, ce qui ferait confusion. L'impos-
  sible n'existe pas pour ces organisations méridionales qui ne doutent jamais
  de rien. Que ces moutons au pâturage sont donc dolents, et se reposent avec
  la nonchalance attristée qui leur est propre. Celui-ci appuie mélancolique-
  ment son menton sur l'épaule de son voisin. Un autre s'assoupit avec la
  placidité du juste après dîner. Un troisième a le nez au vent, il gonfle ses
  narines, promène ses yeux à demi fermés en flairant la présence d'un étran-
  ger. h'Intérieur d'écurie n'atteste pas moins l'observation attentive et
' patiente. Arrêlons-nous un peu devant M. Magy et sa Forêt de pins, qui
  a, comme tous ses tableaux, le tort de n'avoir ni perspective ni profondeur.
  Tout est sur le même plan.
    Les œuvres sculpturales sont rares. La plus importante est une Béatrbe de
 M. Fabisch. Nous n'en dirons qu'une chose : c'est que la suave et radieuse
 création de Dante a trouvé un digne interprète. On ne peut voir sans l'aimer
 cette douce figure dont les regards sont fixés sur les demeures bien-heu-
 reuses. Un vêtement d'une simplicité extrême enveloppe et dessine ce corps
 délicat et charmant. Certes, on peut bien voir enfin que la beauté plastique
 peut s'unir au sentiment moral introduit par le Christianisme , sans que
 l'un de ces deux éléments indispensables à l'art soit sacrifié à l'autre.
    Le temps et l'espace nous pressent. Nous sommes obligé de clore notre
 travail, sans avoir parlé de plusieurs œuvres remarquables à divers titres.
 Le silence dans lequel nous sommes forcé de les passer n'implique certes
 pas indifférence ou dédain de notre part. Mais nous devons obéir aux
 exigences du cadre d'une revue. La place nous manque même pour jeter
 un rapide coup-d'Å“il sur la peinture de fleurs, qui exigerait d'ailleurs une
 spécialité plus compétente que la nôtre.
    Et maintenant souhaitons aux artistes, en terminant, d'unir de plus en
 plus, dans leurs ouvrages, la splendeur intérieure de l'âme à l'harmonie
 des formes matérielles. C'est de l'équilibre entre ces deux pôles opposés
 que dépend l'avenir de l'art. Puisse cet avenir lui être favorable ; puissent
 les jouissances sereines de l'intelligence acquérir une grande influence sur
 les esprits. Quand fes caractères semblent de toutes parts se rapetisser,
 il est bon de se réfugier dans la contemplation de ce qui ne change pas.
 Platon l'a dit : ce qui peut donner du prix à cette vie, c'est le spectacle
 des beautés éternelles.                              CLAIR TISSEUR.