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166 EXPOSITION DE 1854-55. Tout est accusé, et tout, en même temps, est subordonné, à une entente parfaite des masses. Il y a là des mains à ravir, tellement elles sont élégantes et pures , et merveilleusement rendues. Mais M. Tyr a les défauts de ses qualités et de son école. Il y a peu de latitude dans une simple tête, pour la variété des tons, et cependant, dans un choix si restreint, l'œil rencontre des couleurs qui le blessent ; il y a là un ruban orangé, un manteau vert cendré qui chantent évidemment faux dans le concert harmonieux que doivent exprimer les couleurs. Encore un tableau plein de mérite sérieux : c'est la Sainte Famille de M Borel. Sa grande et très-grande valeur, c'est, outre le sentiment ex- pressif de la charmante tête de la Vierge, une finesse et une souplesse extrême de modelé. M. Borel a évité l'écueil dangereux de l'excessive con- science en peinture, c'est la sécheresse. Rien de si rare que de tenir ce milieu parfait entre le fini et la dureté d'un côté, la largeur et le lâché de l'autre. M. Borel étudie la nature et il l'étudié avec une intelligence élevée ; il y cherche et trouve la beauté. Car il ne faut pas s'abuser : la nature, ce maître souverain et éternel des artistes, ne donne cependant que ce qu'on lui demande. Elle renferme à la fois le sublime et le trivial, et ou ne la voit jamais qu'au travers de son propre cœur. Peut-être désirerait-on à la sainte Anne et à l'enfant Jésus plus de gran- deur de style et surtout plus de richesse de formes ; ils sont, sous ce rap- port, un peu inférieurs à la Vierge. Quant au parti de la couleur, nous dirons bien franchement à M. Borel qu'il est une erreur complète ; mais il a ce qu'il faut pour prendre sa revanche à la première occasion. M."" Lacuria, qui avait à l'exposition de l'an dernier un très-beau por- trait d'une limpidité de neige, a, cette année, une Vierge Marie enfant qui est un modèle de grâce exquise. La Sainte Famille de M. Lacuria rap- pelle sur de moindres proportions son tableau de l'an passe. Les amants passionnés de la couleur ne trouveront guères qu'un sujet religieux qui soit traité dans leur esprit, c'est un Repos en Êyijfle de M. Blanc-Fontaine. Il y a de l'adresse dans ces anges aux robes de caméléon, ces chérubins rebondis et fouettés de rose qui contenteraient Boucher. Mais tout cela ferait bien mieux l'office de trumeau dans quelque boudoir Pompadour, ou trouverait mieux sa place au-dessus d'une porte contournée, aux fouillis blanc et or rccoquillés en volutes. Ce n'est pas précisément là ce qu'il faut, on en conviendra, pour la peinture religieuse. Pas de sujets historiques à l'exposition , si ce n'est une bataille de M. Chenu, peinte avec assez de fougue et de couleur, et qui rappellerait la manière de M. Decamps. Mais la confusion y est par trop grande. Les coloristes régnent en maître dans la peinture de genre, ils sont tout