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                         EXPOSITION DE 1 8 5 4 - 5 5 .                     167
 à fait sur leur terrain, et personne n'oserait le leur disputer. Mais pour-
 quoi se préoccupent-ils si peu du choix de leurs sujets ? Quant à moi, il
 me semble que le genre renferme, en principe, toutes les ressources de la
grande peinture. La vie intime, en effet, offre-t-elle donc un champ moins
vaste aux sentiments que la vie publique ? Eh, mon Dieu, n'y rencontre-
t-on donc pas encore, dans cette vie intime, des dévoûments surhumains,
des tendresses divines, des choses aussi belles que tout ce que peut ren-
fermer l'histoire? Ce monde secret de l'âme, pour être caché aux yeux de
tous, renferme-t-il moins de splendeurs ? De même qu'il y a certainement
encore des visages aussi doux que ceux qui servirent de modèle à Raphaël
pour ses madones, n'y a-t-il pas encore des cœurs sainls, vaillants et fiers,
des types moraux aussi grands que tous ceux que nous a transmis le sou-
venir ? Le moyen-âge avait aussi la poésie de sa vie privée dans les légendes
et les vies des Saints. Les êtres sont encore les mêmes, après tout ; le
théâtre seul des actes a changé. Sans doute, la peinture est appelée à expri-
mer des faits et non des sentiments ; mais les faits sont aussi l'interprète
des sentiments, et comme eux soumis aux mille inventions de la fantaisie,
cet horizon sans limites ? Serait-ce îa difficulté des costumes modernes si
défavorables à l'art? mais il n'y a pas de difficultés qui ne se puissent
tourner avec quelque habileté. Si la peinture de genre est destinée à être
le reflet de la vie privée, ne psut-elle donc interpréter ses mille nuances,
se faire observatrice patiente et austère, et autant et aussi bien que la pein-
ture religieuse, diriger en haut les esprits ? — Et que de choses charmantes
à saisir et à fixer sur la toile ! Quel monde d'observations que celles que
fourniraient seulement les enfants .' Quelle variété de caractères, d'impres-
sions si vives et si neuves, que de charme dans les attitudes, de mélanges
singuliers dans les expressions, si l'on prenait la peine de chercher partout
le beau '. Pourquoi ne voit-on dans la vie moderne que le vulgaire, ou tout
au plus le pittoresque. Certes, la Françoise de Bimini de M. Ingres peut
bien être considérée comme de la peinture de genre, et quelle grande
peinture ferait vibrer davantage l'âme du spectateur ?
   Les deux tableaux de M. BelleVDupoizat nous paraissent tenir le premier
rang parmi tout ce qu'a exposé l'école de la couleur. Le Marchand d'oiseaux
est tout à fait dans les traditions de Véronèse. C'est son atmosphère fraîche
et bleue, ses ombres limpides, le tissu moelleux et azuré de ses chairs.
La tête du marchand est pleine de vie sous sa peau dorée et ses cheveux
crépus. La gamme de ce tableau est prise tout entière dans ces tons rompus
et indécis, si difficiles à saisir, mais si doux, si paisibles à l'œil. Quel dom^
mage que la chemise du petit enfant offre des plis durs et cassés qui ne
sont pas dans la nature de l'étoffe et font contraste avec l'exécution large