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122 DES LETTRES que soit l'école à laquelle elles appartiennent, vous y re- trouverez toujours l'expression des pensées et des senti- ments de l'homme. Dans les tragédies, les odes, que voyez- vous, sinon des joies, des tristesses, des amours, des haines, des enthousiasmes et des dédains associés a des pensées sur l'intervention de Dieu dans le monde et sur les destinées d'une autre vie ? Les actions n'y sont jamais envisagées que comme la conséquence des passions auxquelles elles sont subordonnées. L'âme domine tout cet ensemble, et si la nature extérieure y tient une certaine place, c'est seulement celle qu'elle a dans la pensée humaine. Ne demandez pas a la poésie et a l'histoire des investiga- tions semblables a celles de la philosophie ; leur mission n'est pas de pénétrer dans le même ordre d'analyse. De- mandez-leur les drames obscurs ou éclatants au milieu des- quels la vie se passe, les mobiles intérieurs des actions des hommes, et elles vous les feront connaître mieux que toutes les dissertations générales. 11 serait facile, par des exemples sans nombre, de démon- trer tout ce que les poèmes de l'antiquité nous dévoilent de profond et de vrai sur les manifestations de l'âme. Les carac- tères, les vertus et les vices des pères, des fils, des époux, des frères, des amis s'y montrent sous des formes si vraies et si saisissantes que les types qu'ils nous en offrent restent gravés dans la mémoire et dominent ceux que l'art moderne a créés. C'est OEdipe représentant jusqu'à la mort la majesté pater- nelle, que ne peuvent lui faire perdre ni ses fautes, ni ses mal- heurs; C'est Hécube, c'est Andromaque, saisissantes expres- sions des inquiétudes et des douleurs des mères ; c'est la piété filiale dans Télémaque, dans Énée, dans Antigone, que ne découragent ni les plaintes de son père ni la fatalité qui s'attache h ses pas. Les haines et les rivalités des frères