Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
[ Revenir aux résultats de la recherche ]
page suivante »
64                 RAPPORT SUR L'HISTOIRE
où Descartes avait publié ses premiers ouvrages et qui avait
dû, avant tous les autres, en subir l'influence, M. Bouillier ar-
rive à l'histoire du cartésianisme français, c'est-à-dire, comme
on le conçoit à l'avance, à la partie la plus étendue de la tâche
qu'il s'est imposée. Ce fut d'abord dans les congrégations reli-
gieuses que le cartésianisme rencontra ses plus nombreux et
ses plus fervents adeptes. Àrnauld, Nicole, de Sacy furent car-
tésiens, et l'alliance du cartésianisme et du jansénisme devint
même un titre d'accusation contre l'un et l'autre. Heureusement
pour le cartésianisme, il ne rencontra pas seulement à Port-
Royal des admirateurs et des appuis; la pieuse et savante
congrégation de l'Oratoire qui devait bientôt produire Malle-
branche se prononça de bonne heure pour lui, et il en fut de
même des Bénédictins. Bientôt l'étude des ouvrages de Descartes
passa des cloîtres dans les salons, et ce qui n'est pas le meil-
leur, dans les boudoirs et les ruelles. Tandis que le grand
Condé se reposait de ses glorieuses fatigues, en discutant au
milieu d'un cercle d'esprits distingués, à Chantilly, les grands
problèmes soulevés par la philosophie nouvelle, on les adoptait
sans trop les comprendre, dans les ruelles des dames à la mode,
et là c'étaient surtout les tourbillons et les esprits animaux qui
faisaient les frais des discussions. Nous avons tous présents à
l'esprit les vers des Femmes savantes ; Molière, pour le dire en
passant, et M. Bouillier l'a prouvé, est le seul des écrivains du
XVIIe siècle qui ait échappé à l'influence de Descartes et en-
core même peut-on dire qu'ici notre grand comique attaque
beaucoup moins la philosophie de Descartes en elle-même
que le singulier abus qu'on en faisait. Car je n'irai pas aussi
loin que M. Bouillier, et l'indécision de Marphurius ne me
paraît pas bien clairement être une parodie du doute métho-
dique de Descartes. Dans tous les cas le cartésianisme, au mo-
ment de son triomphe, devait rencontrer des adversaires beau-
coup plus redoutables que Molière, et les persécutions ne
devaient pas tarder à l'atteindre. La cause des attaques et
bientôt des persécutions fut une malencontreuse discussion
au sujet de la transsubstantiation qui paraissait incompatible