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LE "COSITE bK V.HALON. 5ï Perfide et sanguinaire, tous les moyens lui sont bons pour réussir, et il sera joyeux si, à son retour, il peut remplir ses coffres d'un or, hélas ! mouillé de larmes. Voici le comte ! son front est orgueilleux, son regard est cruel. 11 part, et le peuple qu'il laisse dans sa ville ne sait s'il doit craindre ou se réjouir. Les officiers qui gardent le château ont été choisis par le maître ; c'est assez dire que ia douceur n'est pas leur vertu. « A Tournus ! » crie le comte à ses hommes d'armes. — A Tournus ! répètent ses compagnons ; et cette armée d'aventuriers se réjouit, car l'abbaye de Tournus est riche et puissante. De combien de trésors le pillage va les enrichir ! Et déjà les soudarts croient voir mille dépouilles sur leurs chevaux, et une colonne de feu s'élevant brillante et légère au-dessus des deux vieilles tours de l'abbaye. L'armée suit le cours de la Saône, mais bientôt le comte divise en deux parts ses soldats ; une des deux, la plus nombreuse, se dirigera vers Tournus, elle ne doit pas s'y arrêter ; on demandera aux moines une rançon ; qu'ils la donnent ou qu'ils la refusent, on continuera la marche sur Mà con, sauf à revenir plus tard avec le fer, le feu et la vengeance. L'autre part, la plus terrible, remonte le coursle comte de Chà lon. Le comte sourit en voyant cette riche vallée ; tout est saccagé et pillé. Les hommes, les femmes , les enfants s'enfuient en voyant de loin une colonne de poussière et de fumée. Le soir, les soudarts étaient las de détruire et de brûler. Où campèrent-ils ? En quel endroit assez abandonné du ciel voulurent-ils s'arrêter dans leur course? Ce fut, dit-on, à Cor- matin. Bien des années durent s'écouler avant que le malheureux village pût relever toutes ses ruines, et effacer les traces d'une nuit de repos et de plaisir. En ce temps-là régnait à Cluny, car comment nommer autre- ment le pouvoir de l'abbé ? en ce temps-là régnait à Cluny Pierre, un vieillard, que sa douceur et ses vertus avaient fait surnommer : le Vénérable.