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52                   LE COMTE DE CHALON.
    Pierre était sorti dès le malin de l'Abbaye, monté sur une
 mule et accompagné de quelques serviteurs. Il allait visiter ses
vassaux de la vallée de la Grôsne, et déjà il était heureux des
consolations qu'il allait répandre. Combien il allait soulager de
misères ! Combien de larmes il allait essuyer !
    Tout à coup une foule éperdue se précipite à sa rencontre ;
ses chers vassaux dispersés, poursuivis par des hommes d'armes,
s'offrent à lui couverts de poussière et de sang. Lui s'arrête,
 interroge et doute encore ; mais bientôt il voit dans le lointain
des soldats.
    lis arrivent eu poussant de grands cris ; à leur tète est le
comte de Chàlon. La majesté du saint abbé ne les arrête pas.
Pierre est saisi, lié et garrotté, et, comme autrefois le Sauveur du
monde, le juste chargé de fers se voit insulté par les criminels.
— Guillaume, Guillaume, dit l'abbé, il est un Dieu, et tu n'auras
pas porté en vain la main sur l'élu du Seigneur. — S'il est un
Dieu, dit le comte, je l'ignore; je ne connais pas de suzerain au-
dessus de moi, et tant que je pourrai conduire un coursier et
lever la lance, je n'admettrai pas même de rival.
    Les vassaux avaient continué à fuir, et les soldats les pour-
suivaient. Vers le milieu de la journée, ils voient enfin au fond
de la vallée un monde de clochers; les vitraux, les toits brillent
au soleil : c'est ia riche, la puissante abbaye de Cluny, l'orgueil
de la chrétienté et la terreur de l'hérésie.
    Les soldats s'élancent contre ses murs, les portes sont en-
foncées, les défenseurs sont massacrés. Nul des soldats de l'abbé
n'ose opposer de résistance. Les assaillants élèvent au milieu
d'eux un bouclier qui les garantit et les protège ; ils portent au
premier rang Pierre le Vénérable, et c'est lui qui est cause de la
prise de la ville et de l'abbaye.
   Pillez les trésors, brûlez, incendiez, votre chef vous encourage,
tuez les habitants qui résistent, courez de rues en rues, promenez
la flamme et le fer ; quant à Guillaume, il a son chemin tracé, il
dédaigne un plaisir vulgaire, et c'est vers la magnifique église
qu'il a dirigé son coursier.
   Les portes en sont fermées, un coup de bélier les brise, et le