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478                         PÉLOPONÈSK.
fin de chaque couplet, les autres faisaient éclater de bruyants
bravos, et l'écoutaient avec admiration recommencer une chan-
son nouvelle. Son répertoire était inépuisable, et, animé par
la présence d'un étranger, il eût chanté jusqu'au matin si l'hô-
telier ne l'eut fait sortir avant de fermer sa porte. Une de ces
chansons surtout me frappa à cause son rhythme étrange et mé-
lancolique. C'était la plainte d'une jeune femme dont le mari
s'était enfui pendant qu'elle, dormait, pour rejoindre les Grecs
et se battre contre les Turcs. La voici telle que j'ai pu la recueillir:
    « Un petit oiseau s'est éveillé pendant la nuit et s'est mis à
 chanter à la fenêtre de Despo qui dormait, et sa voix s'est fait
 entendre à elle dans un rêve.
    . Dors, dors, Despo, ou plutôt réveille-toi bien vite; ton
    <
 mauvais génie t'a fait dormir ce soir. Habille-toi, non point
 avec tes habits de fête, tes bracelets et tes rubans, mais avec
 ta robe de montagne et tes souliers de route.
    « Tu ne l'as donc pas entendu partir ; tu n'avais donc pas
 vu la poudre sur ses mains, et à sa ceinture ses pistolets tout
 chargés. Il a profité de ton sommeil pour partir, pauvre petite,
 et cependant tu ne l'aurais pas retenu, n'est-ce pas?
    « Il est allé en courant vers les sept villages où Nikotsaras a
donné rendez-vous à ses pallikares. Véli-Pacha s'avance contre
 eux avec sept mille Turcs, sept mille infidèles. Cours, Despo,
 et porte-lui des balles.
    « Petit oiseau, merci, prête-moi tes ailes, si tu veux que
j'arrive en même temps que lui. »
    La chanson se finit là brusquement ; il est à croire cependant
qu'elle doit avoir un dénoûment. Mon guide qui me la dicta le
même soir n'en savait pas plus long; je me la fis redire plus
tard par d'autres Grecs que je rencontrai, mais ils la savaient
plus incomplètement encore. C'est là le sort de la plupart des
chansons populaires de la Grèce ; elles passent de bouche en
bouche et s'altèrent au bout d'un certain temps. La littérature
de la Grèce moderne consiste en une inépuisable série de chants
populaires. Le Grec, et j'entends principalement le Grec qui vit
hors des villes, aime la poésie comme il aime la liberté,