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10 ÉTUDE SUR FRAYSSINOUS. loué de sa glorieuse innovation, et il a trouvé des imitateurs, parce que des nécessités pareilles à celles de son temps ont réclamé des efforts analogues. Sans doute, il est regrettable que le ministre de l'Evangile soit obligé de se faire disser- laleur, et de parler dans une église un langage qui ressemble trop à celui qu'on pourrait tenir dans une académie ; mais celte ingénieuse el charitable condescendance aux erreurs, aux préjugés, aux faiblesses des hommes n'élait pas tout a fait sans exemple, lorsque parut Frayssinous. Il se cache, parmi les homélies de saint Grégoire de Nazianze aux habi- tants de Constantinople plus d'une conférence, et les dis- cours aux hérétiques Eunomiens rappellent assez, par la forme générale, les modernes apologies de l'éloquence chré- tienne. Aux époques de foi, de croyance pratique, l'orateur sacré s'efforce principalement d'exhorter des hommes convaincus ; il s'adresse bien plus aux misères et aux vices du cœur, qu'il ne parle aux travers et aux ignorances de l'esprit : c'est le temps du P. Bourdaloue, de Bossuet et de Massillon encore. Mais ensuite l'éloquence dévie sur les traces de l'incrédulité, pour devenir raisonneuse el s'entacher de bel esprit : c'est le sort des orateurs chrétiens de la seconde moitié du xvme siè- cle ; c'est le temps de Maury et de l'abbé Poulie. Quand l'in- crédulité est descendue aussi avant dans un peuple qu'elle l'était après les saturnales de la Révolution, qu'y a-t-il d'abord à faire, sinon à déblayer le terrain, à combattre les mensonges accumulés contre la vérité, à dissiper les ténèbres amassées dens les esprits, à les ramener doucement et par une adroite insinuation vers la pure lumière de l'Evangile ? Voilà ce qui fut essayé à Saint-Sulpice, par un cours d'ins- tructions commencé en 1803, suspendu en 1809, repris en 1814, el clos en 1822, comme l'indique l'orateur dans l'aver- tissement de sa Défense du christianisme.