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DE LA FOLIE. 203 Ces savants plaisantaient. du reste , volontiers sur l'expli- cation vulgaire de la folie par l'influence des dieux malfai- sants, comme ceux de notre temps plaisantent aujourd'hui sur celle du diable. Mais , moins conséquents que ces der- niers, aucun ne tentait de guérir cette infirmité, qui leur semblait cependant à tous si naturelle; et tous, au contraire, en fin de compte, l'abandonnaient entièrement à la sollicitude de cette Providence, en qui, d'autre part, il leur répugnait, avec si juste raison, d'en placer la cause efficiente et pre- mière. Un tel mal devait être une difficulté insoluble pour ce monde anté-chrétien, si faiblement éclairé sur le grand pro- blème du mal. Assurément, cette reconnaissance vague mais unanime d'une influence surnaturelle d'Esprits malfaisants comme cause pos- sible de certaines folies, était déjà une confession du genre hu- main assez grave dans son principe pour valoir d'être réfutée autrement que par des plaisanteries; mais il n'appartenait qu'à la révélation chrétienne de projeter des lueurs plus certaines sur cette mystérieuse correspondance des deux mondes. Quel- ques mots sur ce point: cela vaut la peine qu'on s'y arrête un instant ; et la science gagnerait, à coup sur, à ne pas toujours passer outre si présomptueusement sur ce grave côté des cho- ses invisibles. Qu'on ait abusé étrangement de ce mode d'explication , et que cet abus déplorable ait engendré l'abus plus déplorable encore de répressions injustes et cruelles, cela est écrit en traits trop sanglants dans l'histoire pour qu'on n'y doive pas reconnaître le chapitre le plus triste et le plus horrible des folies humaines ; mais qu'on se croie, d'autre part, en sa double qualité de philosophe et de savant, obligé de nier, ab- solument et en tout cas, toute intervention d'une puissance