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; 130 DISCOURS DE M. EICHHOFF. frappant et le plus riche, le récit de la première croisade en- treprise par l'enthousiasme religieux contre la barbarie mu- sulmane; lutte opiniâtre, hérissée de périls et couronnée d'un glorieux succès. Aussi, avec quelle majesté se déploie le plan de son poème depuis la vision céleste qui confie à Godefroi la bannière du Sauveur, jusqu'à l'accomplissement des vœux conquis par tant de sacrifices ! En vain les armées innombrables d'Asie et d'Afrique com- battent le héros; en vain l'enfer l'entoure de tous ses pièges et l'assiège de toutes ses terreurs , rien n'abat son dévoûment sublime,la victoire couronnera ses efforts. Mais à travers com- bien de périls et de complications menaçantes se déroulera celte marche triomphale vers la ville sainte, vers le tombeau du Christ ! Combien d'obstacles surgiront de toutes parts, que d'épreuves dangereuses, que de luttes indécises ! Ici, ce sera l'ardeur môme des guerriers qui les exposera à leur perte ; là , casera l'amour et ses attraits perfides ; plus loin , les sorti- lèges des puissances infernales ; plus loin encore, des phalan- ges redoutables, s'élançant du fond des déserts. Quel mou- vement dans toutes ces phases diverses, quelle richesse dans ces descriptions ! Quelle vérité surtout dans la peinture des lieux et le récit des grands événements, dont la réalité his- torique s'embellit, sans s'altérer jamais sous le voile trans- parent de ces fictions magiques qui ne sont, comme on l'a fort bien dit, que les personnifications des croyances popu- laires répandues et admises dans tout le moyen-âge. Si l'on compare le poème du Tasse aux grands poèmes qui l'ont précédé, on ne saurait y méconnaître une imitation cons- tante mais judicieuse des plus parfaits modèles de l'épopée antique , un reflet d'Homère el de Virgile, qui illumine cha- que scène et brille sur chaque portrait. Ce n'est plus la réalité nue, terrible et pénétrante de la Divine Comédie, ce n'est plus le mol abandon , la riante mobilité du Roland ; c'est