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46 LES TOURISTES A ROME. philologique. Un jour, j'étais allé frapper à la porte de Sainl- Saba, sur l'Aventm, couvent inhabité et gardé simplement par un custode. Personne n'ayant répondu, je me reposai et pris patience en dessinant. Au bout de peu d'instants, je vis venir de mon côté un étranger marchant à pas précipités, comme s'il eût su positivement où il se dirigeait. Quand il fut près de moi, le chemin de Saint-Saba étant sans issue, je lui adressai la parole en italien, et l'avertis charitablement qu'il était inutile de prendre la peine de sonner ou de frap- per. Mon touriste s'écrie aussitôt : plaît~i} monsieur. Je trouvais ce plaîl-i excessivement comique. Répondre par une pareille expression à une question en langue étrangère me parut d'une si grande naïveté que je me mis à considé- rer l'honnête voyageur. C'était un Lyonnais qui s'était égaré dans la recherche des Thermes de Garacalla, dont il estropiait le nom de manière à en rendre l'indication quasi impossible. Ce fut très-heureux pour mon compatriote d'avoir trouvé à qui parler , car, sans mes renseignements, il eût risqué de chercher longtemps les susdits thermes, encore passablement éloignés. Il me semble que ce pîaît-i caractérise parfaitement le sans-gêne français, et je ne crois pas qu'il soit donné d'être plus naïf. Je fus témoin, une autre fois, d'une aventure arrivée à deux français dans le restaurant du Falcone, établissement émi- nemment romain , et dû l'on ne parle que l'italien. Les auteurs de celte scène étaient deux habitants de la France méridionale, que l'on reconnaissait facilement à leur accent. Je les entends interpeller le garçon avec as- surance et demander du gibier. Celui-ci, ne sachant pas le français, répond poliment : signori, non capisco. Les deux convives répètent en chœur ; nous demandons du gi- bier. Puis ils se regardent avec ètonnement. Ils ne purent concevoir que dans un restaurant on ne connût fpas le