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                ÉTUDE SUR L'HISTORIEN GIBBON.                     389

l'établissement du Christianisme doit être attribué aux efforts
d'un zèle inflexible, au dogme d'une vie future, au don des mi-
racles, à la morale pure et austère des premiers fidèles ; puis
il ne voit dans le zèle inflexible qu'une intolérance judaïque,
dans le dogme d'une vie future qu'une doctrine contraire à l'hu_
manité, dans le don des miracles qu'une jonglerie, dans la
morale pure des premiers fidèles qu'une orgueilleuse ostenta-
tion de vertu (1). Vraiment, on sourit de pitié en voyant un
savant si distingué débiter gravement de telles inepties «t pré-
tendre les faire passer pour une explication péremptoire du fait
le plus étonnant qui se soit jamais accompli. Et Gibbon ne se
contente pas d'être injuste envers le Christianisme, il l'est en-
core envers les Chrétiens dont il patrone les oppresseurs. Selon
 lui, les Chrétiens violaient les lois de l'Empire ; leurs assemblées,
 illégales dans leur principe, pouvaient avoir des suites dange-
reuses; leur désobéissance était une conspiration spirituelle
 contre l'État, et les Empereurs avaient raison de la réprimer.
 Mais où étaient les infractions des Chrétiens aux lois, quand
 ils réclamaient la liberté de conscience? l'illégalité de leurs as-
 semblées, quand ils ne se réunissaient que pour adorer Dieu et
 prier pour le salut des empereurs ? le danger de ces assemblées
 pour l'État, quand il n'y était question que de charité et de paix?
 Or, voilà l'iniquité, u Du reste, ajoute Gibbon, les chefs de
 l'Empire agirent avec précaution et avec répugnance, quand il fut
 question de condamner leurs sujets : ils furent modérés, en infli-
 geant des punitions (2). » Ainsi, Néron agissait avec précaution
 et répugnance, il était modéré, lorsqu'il faisait brûler pour l'éclai-
 rage de ses jardins des milliers de chrétiens vivants. Ils agissaien t
 aussi avec précaution et répugnance, ils étaient modérés, les
 Domitien, les Dèce, les Dioclétien, lorsqu'ils envoyaient à chaque
 instant les chrétiens aux lions. Rien ne dévoile mieux la hon-
 teuse bassesse de cette philosophie humanitaire que ces infâmes
 sympathies pour d'affreux tyrans, cette sollicitude pour leur répu-

  (1) C. XV. passim
  [2) C. XVI.