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390              ÉTUDE SUR L'HISTORIEN GIBBON.
tation, cette apologie de leur douceur, de leur tolérance, lorsque
 ces monstres étreignaient la conscience de leurs sujets entre
l'apostasie et la mort. Qui le croirait pourtant ! cette thèse qu'on
 ne réfute bien qu'en en flétrissant l'odieuse doctrine, cette thèse
 extraite de la fange voltairienne, cette thèse aussi humiliante
 pour la raison qu'outrageante pour l'humanité, un journal, tout
 récemment, ne l'a pas jugée indigne d'être soutenue, et, dans
 un article sur la Chine (1), il a osé prendre le parti de la per-
 sécution, dont les rigueurs font couler dans ce pays le sang de
tant d'héroïques victimes. Qu'il sied mal à la philosophie de
parler d'humanité !
    Injuste envers les Chrétiens, Gibbon ne l'est pas moins envers
 les Orthodoxes contre lesquels il défend les hérétiques. On dirait
 que la vérité chrétienne est pour lui un objet d'horreur, et que
tous ceux qui l'attaquent ou l'outragent ont droit à ses sympa-
thies. De même qu'il a pris le parti des persécuteurs, il prendra
le parti des novateurs. Écoutons-le : « Les Pauliciens répandaient
les germes de la réforme... Et comme ils ne peuvent plus se
 défendre, l'impartialité et la bonne foi m'obligeront à faire valoir
le bien et à atténuer le mal qu'en ont dit leurs adversaires (2). »
 Or, cette, impartialité, cette bonne foi qui obligent Gibbon à
prendre cette fraction de Manichéens sous sa protection, l'obli-
gent à faire la même chose pour tous les autres sectaires. Aussi,
fidèle à ce système officieux, Gibbon sera-t-il arien avec les
Ariens, nestovien avec les Nestoriens, eutychéen avec les Euty-
chéens, iconoclaste avec les Iconoclastes. N'importe que ces sec-
taires se contredisent entr'eux, qu'ils s'anathématisent, l'histo-
rien ne s'en soucie point; ils attentent à la vérité chacun à
sa manière, cela lui suffit; par là même son dévoûment leur
est acquis.
   En général, Gibbon juge des hommes comme des choses , par
le côté défectueux. H y a chez lui un caractère bas , un esprit
mal fait. Ses réflexions ne sont jamais nettes, ses appréciations

  (1) Voir le Jtmrnal des Dibats, 18 mai-1852.
  (2) C. UV.