page suivante »
ÉTUDE SUR L'HISTORIEN GIBBON. 379 l'avait pratiqué bren longtemps avant lui. Nous devons à ce sys- tème le précieux volume, intitulé : Bibliothèque de Photius, sans lequel nous ne connaîtrions que de nom une foule d'écri- vains anciens. Les Extraits raisonnes toutefois diffèrent de la Bibliothèque. Photius compile et copie, Gibbon analyse et joint à ses comptes-rendus des réflexions toujours pleines de goût et de bon sens, lorsque ses préventions anti-religieuses ne sont pas là pour l'égarer. Nous n'hésitons pas à dire que les Extraits raisonnes sont une des parties les plus curieuses et les plus intéressantes des œuvres de Gibbon. Il serait à désirer que les hommes studieux dont l'ambition ne va pas à faire des livres suivissent la méthode de Gibbon ; ils y trouveraient pour leur esprit une source de jouissances, et le public y gagnerait d'utiles rectifications et des observations curieuses qui vont se perdre dans le vague d'une conversation. Après onze ou douze ans passés à lire et à voyager, Gibbon vint se fixer en Angleterre , où il continua , plus sérieusement que jamais, à s'enfoncer dans les livres , remuant la poussière des bibliothèques, compulsant les grandes collections, les con- trôlant les unes par les autres. Il passa cinq ans dans ce travail, se préparant par là à son grand ouvrage : De la décadence et de la chute de l'Empire romain. Alors une nouvelle carrière s'ou- vrit devant lui, celle de la législature. Son nom , sa fortune lui permettaient de prétendre au parlement, il y visa ; on lui offrit une place indépendante et il l'accepta (1). C'est à tort qu'on a écrit qu'il s'excusa d'abord , en disant qu'il était étranger aux passions de pays et de parti (2) ; Gibbon, au contraire, fut en- chanté et vit, dans la chance d'une entrée aux Communes, une bonne fortune pour son avenir littéraire. « C'est une belle pers- pective ouverte devant moi, écrivait-il à lord Sheffleld, et si je puis, le printemps prochain, prendre séance et publier mon ouvrage, ce sera une époque bien remarquable dans ma vie. » ( 1) Lellre à Lord Sheffield. (2) M. Villemain, Cours de littérature.