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528                      RÉTIF" DE LA BRETONNE.
    Voici le résumé de son projet : les théâtres rentrent dans les mains de l'Etat.
Les acteurs seront pris dans la classe aisée, leur jeu en sera plus noble et ils
inspireront plus de respect. Une prostituée, si habile qu'elle soit, ne peut
faire naître des idées de décence et de vertu. Séparation absolue des acteurs
et des actrices, ils ne s'aborderont qu'en entrant en scène : ils ne joueront que
dans les pièces où ils excelleront. De là, beaucoup d'acteurs, mais le public y
gagnera de ne pas voir, par exemple, un tyran de Iragédie jouer dans la même
soirée un rôle de bouffon. Les acteurs ont, d'ailleurs, comme les autres ci-
toyens des devoirs à remplir. Défense aux directeurs, aux régisseurs de faire
venir chez eux, sous quelque prétexte que ce soit, une actrice attachée à
leurthéâtre. Une fois mariées, les actrices ne jouent plus que des rôles de mère.
 Aussi souvent qu'il se trouvera des alliances entre les jeunes gens des deux
 sexes, on aura soin de les faire jouer, la veille de leur mariage, dans des pièces
 spéciales et propres à mettre en relief les sentiments qu'ils éprouvent. On
 voit percer là une des idées favorites de l'auteur : utiliser dans les repré-
 sentations scéniq*ues les passions de la vie réelle, transporter, s'il est possible,
 le flagrant délit sur le théâtre, afin d'obtenir plus de vérité, se conduire en-
 fin comme au Japon, où, s'il faut en croire un voyageur moderne, cité par
 M. Philaréte Chasle, l'adultère et le viol se consomment sous les yeux du
 parterre, aux feux de la rampe et sans mystère.
   Cette fois, il faut remercier Rétif de n'avoir pas tiré toutes les conséquen-
ces de son système, mais son réalisme ne doit pas nous étonner. Trop fai-
blement doué sous le rapport de l'imagination pour s'élever Jusqu'à la con-
ception de l'art pur, s'étant du reste investi du titre de refeseur d'homme, il
ne cherchait au théâtre que le plaisir, mais le plaisir utile. Les soubrettes
des vieilles comédies lui semblaient des créations contre nature. Le mélo-
drame bourgeois, sensible et larmoyant, tel que Diderot le concevait, fut
toujours son idéal de prédilection ; il goûtait et admirait Shakespeare, juste
au moment où Voltaire le traitait de barbare, ce qui prouve son indépendance
d'esprit, mais il eût voulu approprier Shakespeare à nos mœurs et le compléter
par Sedaine. Il a lui-même composé un drame intitulé : La Prévention na-
tionale; et, comme Rétif n'est jamais bizarre à demi, il a d'abord fait sou
drame dans la forme classique, puis il l'a refait à la manière vaguante
de Shakespeare, c'est son expression, et il a, en outre, rempli un volume tout
entier de lettres qui sont simplement indiquées dans la pièce. Si la tragédie
l'attirait par sa gravité morale, elle lui déplaisait par l'absence du naturel;
aussi, ne lui a-t-il pas épargné ses boutades. On pourrait, dit-il, à chaque prc :
mière représentation de nos tragédies, mettre sur l'affiche-.Ies comédiens, etc.,
donneront aujourd'hui la l r e représentation de... nouveau rêve tragique où