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RÉTIF DE LA BRETONNE. 529 l'on apprend comment on parle el comme on se conduit au pays des idées creuses. Il est curieux de constaler, en lisant Rélif, les progrès que les mo- dernes ont fait sous le rapport de l'exactitude et de la vraisemblance scéni- ques el ceux qu'il nous reste à accomplir. Rétif se désespérait de voir soi tir ses acteurs par des coulisses constamment ouvertes. Les salons fermés n'exis- taient pas alors au théâtre. Sais, comme lui, ne pourrions-nous pas deman- der encore qu'on plaçât plus agréablement et plus naturellement les chœurs: « Deux files d'hommes et de femmes symétriquement arrangées le long des coulisses ne présentent que des figures plates, muettes, immobiles et insen- sibles ; ces automates répandent sur l'action le froid de leur âme et détrui- sent l'illusion. Pourquoi les voit-on ne s'avancer jamais? qu'on nous donne, on le peut, l'image d'une multitude agissante, curieuse, empressée. » Dans sou plan, les sifflets sont interdits; il voulait trois souffleurs placés sur les ailes et au fond, une fidélité scrupuleuse dans les costumes, la sup- pression des a parte, il souhaitait aussi que chaque pièce eût une espèce de prologue en ballet, dans lequel la pantomime aurait avec le drame un rapport marqué. Une musique gaie, pathétique ou terrible, ébranlant d'avance l'âme du specfateur, aurait ajouté à la curiosité et merveilleusement pré- paré, selon lui, pendant (es entr'actes, l'esprit du parterre aux situations nouvelles. On le voit, Rétif a touché à tout ; il est universel , il s'est promené, si non en conquérant, du moins en maraudeur, dans tous les domaines ; il a battu tous les buissons, vagabondant au hasard de la montagne aux plaines, s'enfonçant avec complaisance dans les terrains fangeux, comme dans le Pornographe, où il trace la route à Parent-Duchâlelet, toujours infatigable, toujours en haleine, faisant lever les idées sous ses pas et chassant les chi- mères. Il n'est pas sûr qu'il ait jamais réfléchi un peu profondément sur quoi que ce soit, car on ne rencontre dans ses écrits ni traces de méditation, ni arrangement dans les plans, c'est le tamulte d'une improvisation bavarde où rien n'est à sa place, et cependant cette improvisation abonde en obser- vations souvent justes ; elle atteste une érudition hâtive, mais variée ; il ressemble à ces volcans qui, au lieu de flammes, vomissent de la boue ; les boues salissent, mais fécondent les campagnes qui les reçoivent. Que de mots, que de locutions il forge à plaisir ! forcénerie, brutitude, quérimonie, habi- tudinaire, impériosité, favorabilité, migaonesse, jouissances amerlumées, et combien d'autres 1 on en remplirait des volumes. On dirait qu'il a brouillé à dessin dans leur casse les caractères d'imprimerie dont il se servait, tant son orthographe est fantasque et ses livres illisibles. On sait qu'il a rédigé un Glossographe ou réforme des langues. Ce qui a manqué à sa gloire, c'est 34