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486 DE L'ENSEIGNEMENT équilibre vital qu'il importe de maintenir chez l'adolescent. Quel homme fait, et dans toute sa vigueur, supporterait, non seule- ment sans ennui, mais sans une révolte de son organisme, le nombre d'heures d'immobilité qu'on impose chaque jour à cet âge, à qui le mouvement et l'expansion sont aussi nécessaires que la nourriture et l'air respirable ? c'est pendant une durée moyenne de neuf à onze heures par jour que l'on retient, en- chaînés sur leurs bancs, ces forçats de la vieille pédagogie, ces pauvres jeunes êtres humains dont tous les membres frémis- sent du besoin de se mouvoir et pour qui sont faits surtout le grand air et le soleil. De ce manque d'exercice corporel, de cette surexcitation, nous ne disons pas de l'intelligence, mais du mécanisme intellectuel, quel effet peut résulter, si ce n'est l'af- faiblissement de l'énergie vitale, et par suite celui du caractère, et une atteinte grave portée à la puissance morale de la per- sonne. Ce ne fut pas là le régime nourricier de ces fortes généra- tions antérieures à la vulgarisation des études classiques qui ont amassé et qui nous ont légué ce capital de sang généreux qu'é- puiseront si vite l'éducation et les habitudes modernes. Ce n'est pas ainsi qu'était comprise l'institution de la jeunesse dans cette race la plus saine, la plus belle, la plus intelligente, la mieux équilibrée de toutes les races, celle des auteurs de tous les mer- veilleux chefs-d'œuvre que la vie de collège nous force de haïr plutôt qu'elle ne nous enseigne à les admirer ; cette race des Grecs où la culture de la santé et de la beauté corporelle était insépa- rable de celle de l'esprit, où le génie fut toujours ce qu'il doit être, une vigueur saine, un juste équilibre de toutes les puis- sances de l'homme, et non pas une fièvre qui ronge et qui flétrit ; où les penseurs valaient sur le champ de bataille et dans la palestre les athlètes et les héros ; où Sophocle se montrait des mieux faisant à la journée de Marathon, où Socrate, dans une retraite, portait Alcibiade blessé pendant plusieurs stades et avec toutes ses armes, où le noble Aristoclès devait son im- mortel surnom de Platon à la largeur de ses épaules et à sa vigueur dans les jeux du gymnase. L'enseignement classique