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                   HISTOIRE DES JOURNAUX DE LYON.                          463
  humble, je conçus le projet d'un journal contre le système de terreur et de
  vandalisme qui avoit détruit ma triste patrie. J'en rédigeai le prospectus, et
 j'allai chez le représentant du peuple Tellier, pour lui en donner lecture. Je
 ne pus voir Tellier ; mais un nommé Constant, homme à crinière jacobite,
 s'empare du prospectus, se charge de le lui montrer, et m'invite à revenir le
 lendemain. Douze jours s'écoulent : Tellier n'a point lu le prospectus et il ne
 m'est plus possible de le retirer des mains de Constant. Je fis alors cette
 réflexion qu'un journal, pour être vraiment libre, ne devoit recevoir l'in-
 fluence d'aucune autorité, et que c'étoit provoquer cette influence sur le
 mien, que d'en soumettre le prospectus à une autorité quelconque. J'étois
 pressé d'ailleurs par le vœu de mes concitoyens; je me déterminai donc à le
 livrer à l'impression et j'abandonnai à Constant la copie qu'il ne rendoit pas.
 Le 5 nivôse, le prospectus est affiché, distribué et envoyé aux autorités. Le
jour même, la faction assassine et dilapidatrice sonne contre mon écrit le
tocsin d'alarme. Le jour même, le vandale Perret le dénonce au Conseil
de la commune. Le jour même, les scélérats qui jouissent de leur liberté, le
font passer aux scélérats qui sont dans les maisons.d'arrêt, par le ministère
d'autres scélérats. Le jour même, on déchire le placard mis sur ma porte
pour indiquer le bureau du journal. Le jour même enfin, une lettre signée
S.... méfait l'offre généreuse de me prêter une centaine de coups de bâton.
Fermement persuadé qu'il ne pouvoit y avoir deux libertés de la presse, une
illimitée pour Paris, Bordeaux, Rouen, et une limitée pour Lyon, je ne
m'altendois pas à recevoir, le 7, la visite de deux gendarmes, porteurs de
l'écrit qui suit : « L'agent national de la commune de Lyon invite, et au besoin
requiert le C. Grandmaison, de traduire à la maison commune le nomme
 Pelzin       Signé PEBRET. » J'avois été instruit que, depuis le supplice du
tyran Robespierre, un décret de la Convention vouloit que les mandats d'a-
mener, ou pour conformer scrupuleusement mes expressions à celles du C.
Perret, que les mandats de traduire fussent revêtus de trois signatures. Mais
je me dis alors à moi-même : L'agent national de la commune de Lyon a
peut-être un privilège que les autres n'ont pas ; marchons. J'arrive à la mai-
son commune, et de suite, sans avoir été interrogé, et d'après le simple
mandat d'amener, signé Perret, je suis conduit, par ordre de la municipalité
qui n'avoit donné aucun ordre, à la maison de détention dite des Recluses.
Pendant la marche, je cherchois tristement quel pouvoit être la cause de mon
arrestation, car mon esprit ne pouvoit admettre qu'on eût oser violer la li-
berté de la presse. Je me disois : tu n'as jamais vendu du cuivré pour de
l'or ; tu n'as jamais organisé aucun pillage; tu n'as jamais reçu le bouclier
d'Avignon sous ton toit hospitalier; tu ne t'es jamais plaint que l'exécrable