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LA COUSINE BRIDGET. 181 jamais manqué toutes les fois que je l'ai réclamé. Chère cousine, je suis dépourvue des ressources nécessaires à vêtir la pauvre fille d'une manière assez décente pour qu'elle puisse entrer dans une place. N'est-ce pas une .situation assez triste pour mériter assistance? — Vous savez, Minna, que je ne puis jamais rien vous refuser; mais je suis sûre que c'est pour ces Mallet, et vous connaissez le mal que je pense d'eux et de tous les habitants du village. Je vous engage à leur montrer moins de bonté. Vous ignorez, ma fille, la douleur de rencontrer l'ingratitude. — C'est pour les Mallet, chère amie, et je ne crains pas l'in- gratitude. Je ne recherche pas la reconnaissance, je n'y songe jamais. J'aime à assister et à secourir ceux qui sont dans le be- soin, parce que je sais que cela est juste. D'ailleurs, ma chère, je ne pense pas que nous puissions accuser nos villageois d'in- gratitude. Voyez toutes les petites attentions qu'ils ont constam- ment pour vous. — Oui, mon enfant, mais ils n'ont pas toujours eu autant de politesse. Ils n'avaient jamais pris garde à moi avant que vous fussiez venue. — Peut-être n'aviez-vous jamais pris garde à eux, chère cou- sine? Maintenant vous sortez plus souvent, vous leur parlez da- vantage. — D'ailleurs, vous savez combien vous avez été bonne pour moi. et ils sentent que vous devez mériter véritablement des égards et du respect, puisque vous avez donné si généreu- sement abri et protection à une jeune orpheline. —Le fait est — et je le soupçonne depuis longtemps,fillette— que vous leur donnez votre argent en leur disant qu'il vient de moi. — Et n'est-ce pas la vérité, chère cousine ? dit Minna en sou- riant avec finesse. — Oh ! c'est bien !—c'est bien !—vous savez toujours tourner le meilleur argument ! Je m'occuperai de ces Mallet ; mais venez maintenant, je sens le besoin d'une petite promenade, après avoir tant parlé. M'accompagnerez-vous, ou vous sentez-vous trop fa- tiguée ?