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170                LYON X L'EXPOSITION DE LONDRES.
sans se connaître, à la perfection de ces tissus admirables. Ourdisseurs, dessi *
nateurs, apprêteurs, teinturiers, tous se prêtent sans efforts et presque sans
méthode un mutuel appui. Ils font des chefs-d'œuvre, comme on fait ailleurs
des choses vulgaire; c'est leur nature. Voyez les travailler: avec quels soins
ils protègent, contre la poussière du foyer domestique, la blancheur imma-
culée de ces satins plus pur» que l'argent, et de ces crêpes dont le grain ressort,
par la pression d'un cylindre, garni de cuir grossier et rude au toucher! Il
n'y aura rien de plus curieux que l'histoire de ces hommes, quand elle sera
faite avec sympathie pour eux, sans les flatter, sans les méconnaître, non plus !
    Ces hommes aujourd'hui veulent leur place au soleil et ils exhibent pour
titres de noblesse, les chefs-d'Å“uvre que nous venons d'admirer. Y ont-ils con-
tribué, oui ou non? Ont-ils honoré leur pays par ces productions sans pareilles?
Y a-t-il dans toute l'Exposition de Londres des chefs-d'œuvre comparables à
ceux qu'ils y ont envoyés? La patrie qui les honore à si juste titre, comme
soldats, quand ils combattent pour elle, n'aura-t-elle jamais que de stériles
compliments pour leur travail de tous les jours ! Ils veulent leur part de gloire,
ils l'auront.
   Je mesauviens d'un heureux jour de ma vie, celui où, surmonrapportauju-
ry de 1849, ' a cro' x d'honneur, fut accordée àM. Roussy, unbrave ouvrier de
Lyon, auteur de plus de dix inventions ingénieuses, pour lesquelles ce digne
homme n'avait pas même pris de brevet, voulant que tout le monde en jouît.
Il n'avait pas assez de fortune pour faire à ses frais le voyage de Paris, et
c'est par le télégraphe qu'il fut mandé aux frais du président de la république,
qui le fit asseoir à s 1 table et le combla de prévenances. Combien y a-t il de
chefs-d'œuvre à Londres qui sont dus à des ouvriers du premier ordre, blottis
et frémissants dans des greniers, à "Vaise ou à la Croix-Rousse, et qui n'at-
tendent qu'un regard bienveillant pour désarmer.
   Voilà, monsieur, la leçon que tous les amis de l'ordre doivent recevoir de
ce triomphe incontestable de la ville de Lyon à l'Exposition universelle. Sur
ce champ de bataille, les ouvriers lyonnais ont tenu plus haut qu'aucun autre
corps de l'armée industrielle l'étendard national. Il serait d'une juste et sage
politique de les récompenser, après le grand jury universel, au nom du pays
qu'ils ont honoré.
   Ce n'est pas peu de chose, en effet, qu'un triomphe semblable, et vous ne
sauriez croire, à moins de l'avoir vu, comme nous, à quel point il a rejailli
sur notre exposition tout entière. Les gens de Saint Etienne, leurs habiles
voisins, qui ont failli à l'appel, en sont désolés aujourd'hui. Il leur appar-
tenait de comptéler cette fête par le succès de l'industrie rubaniere, et de
ne pas laisser les honneurs de ce complément à la Suisse, qui en fera, soyez-
en sûr, son profit.
   M. Escoffier, de Saint-Etienne , qui expédie chaque année pour deux ou
trois millions de francs de rubans à Londres, n'avait qu'à aller chercher
chez son client, M. Morison, quelques corbeillles des échantillons qu'il lui
vend, et tout eût été dit. Sans M. Vignat et trois ou quatre fabricants de la
Loire, et sans M. Tuvée de Paris, qui a envoyé de ravissants modèles, la
France n'eût pas été représentée dans l'une de ses plus belles industries. Ah!
messieurs, messieurs, vous êtes trop modestes !
                                                    BLANQUI, de    l'Institut.