Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
[ Revenir aux résultats de la recherche ]
page suivante »
                  LYON A L'EXPOSITION DE LONDRES.                            169
devenus fort à la mode dans ces derniers temps, et qui ne le méritent guère.
   Ce genre bâtard et vaporeux, très-largment exploité pour robes, donne au
dessin je ne sais quoi de vague et de terne, qui est contraire aux traditions
de la fabrique lyonnaise si justement vantée pour l'éclat et la netteté de ses
couleurs. Le chinage périra, je l'espère : mais MM. Perregaux et Com-
pagnie, de Bourgoin, et M. Révillod de Vizille, tous deux du département
de l'Isère, en ont exposé des échantillons aussi beaux que pouvait le per-
mettre ce déplorable système de travail, oit le dessin de la chaîne est voilé, par
la trame, et ne ressort aux yeux qu'au travers d'un nuage factice et d'un
aspect maladif.
   Un seul exposant a osé braver la concurrence des châles de crêpe de
Chine, et il a bien fait.
   Les châles de crêpe de chine, vrai?, sont toujours un peu lourds par les
broderies, même quand le tissu qui les supporte est léger, ee qui est rare,
Nous pouvons donc tenter avec espoir de succès une concurrence qui mérite
des encouragements. J'en dirai autant de la fabrication spéciale des cravates
de soie, dans laquelle les Anglais excellent, au point d'en envoyer beaucoup
sur le marché de Paris. La moire est un peu raide et convient surtout aux
douairières; on a trouvé plus riche que belle celle qui figure à l'Exposition
et qui est rehaussée, j'allais dire rechampie, d'or et d'argent. L'emploi des
métaux filigranes n'appartient qu'aux habitudes de. l'Orient.
   Les châles de Lyon s'en vont ou se transforment, battus par la fabrique de
Paris pour l'élégance et pour la matière, battus par les châles imprimés, pour
l'économie, et par la mode qui substitue peu à peu les pardessus, les crispins,
les douillettes, à tout ce qui n'est pas châle de l'Inde. Lyon a exposé des châles
reps façonnes, tout soie, et des châles en velours pour l'hiver, très-gracieux
et très-élégants. C'est là le cachet inimitable de la fabrique de Lyon: la dis-
tinction et l'élégance.
    J'en demande bien pardon à nos voisins les Anglais : tous ces châles im-
primés, vrais châles de pacotille, dont leurs femmes font une consommation
 si abusive, ne seraient pas portés à Paris par des femmes de chambre de
bonne maison.
    A peine des fabricants comme M. Depouilly à Puteaux , MM. Gros, Odier
et Romans, à Wesserling, dont les produits sont la perfection même, peuvent-
ils assurer aux châles imprimés une vente, beaucoup plus due. à leur légèreté
qu'à la pureté des impressions.
    Je ne parlerai que pour mémoire d'une galanterie faite à la maison royale
d'Angleterre par la maison Potton et Rambaud : ce sont trois tableaux exécutés
en soie sur le métier, par le procédé Maisiat, d'après Winterhalter, représen-
tant la reine Victoria, le prince Albert et un de leurs enfants. Il y a aussi
un portrait du pape, d'après le même procédé, sortant de la fabrique de M.
Carquillat. Ces peintures au métier sont de véritables tours de force, qui
prouvent seulement de quoi la navette est capable, mais je ne les admire pas
plus que les tableaux des Gobelins, qui ne seront jamais des produits indus-
triels et qui laisseront toujours quelque chose à désirer comme œuvres d'art.
   Ce qui distingue surtout la fabrique de Lyon, c'est le goût suprême que
respirent toutes ses productions, comme l'air naturel dans lequel vivent ses
ouvriers; c'est celte série de traditions que n'ont pu interrompre ni les révo-
lutions de la mode, ni les dévastations de la guerre civile, ni les sauvages
distractions de la politique.
  Il y a un accord mystérieux entre les innombrables mains qui concourent,