Revue du Lyonnais » série 2 - n°3 ( 1851 ) » pp.083

                 BÉRANGER ET PIERRE DUPONT.                      83
de la campagne à la ville, si bien que, à la fin du voyage, la
moitié du tonneau, à force de droit, y aura passé. Pourquoi
M. Dupont a-t-il oublié tout cela, ne s'inquiétant que des ma-
raudeurs qui font les yeux doux à la vigne? Je lui demande
pardon, si j'essaye aussi de la critique, à la façon de Diderot,
lequel, comme on sait, avait l'habitude de se substituer à
l'auteur. Pourquoi M. Dupont ne nous fait-il voir, en terminant
sa pièce, qu'un homme trébuchant dans une cave ? Ne valait-il
pas mieux nous montrer un jour le vigneron à table, au milieu
de ses enfants, se décidant enfin, pour fêter quelque grarfd
événement, à toucher à quelques précieuses bouteilles, mises en
réserve? .
   J'ai donc raison de contester à M. Dupont le sentiment démo-
cratique; il caresse, en revanche, toutes les illusions socialistes;
il s'imagine volontiers que, si la fraternité donnait par hasard
un bon coup de sifflet, toutes les décorations changeraient de
place, aux applaudissements du parterre. Ainsi il s'écriera :
             Couples amants, couronnez-vous de roses,
             Artistes saints, coupez le vert laurier.
             Plus d'envieux et plus de fronts moroses ;
             Allons au ciel par l'amoureux sentier.
    La tradition démocratique enseigne qu'on n'y va que par le
dur sentier du travail, et qu'il faut surtout compter sur soi,
sur ses actes, en appeler au courage, à la patience, à la liberté.
Faites des hommes libres et égaux, ils seront bientôt frè-
res. La fraternité. est un fruit ; ce n'est pas une racine.
 Tout dans ce monde, est épreuve ou punition, récompense ou
prévoyance: Cette pensée, pour être tirée d'un roman de
Voltaire, Zadig, n'en est pas moins vraie et profonde ; elle est
plus propre à fortifier l'homme que la contemplation du mirage,
 que l'attente énervante qu'on lui conseille, et où il s,e con-
 sume. N'attendez point d'autres miracles que ceux que vous
 ferez vous-même. M. Dupont a beau promettre pour 1852 la
fin de la misère aux mangeurs de pain noir, aux buveurs
d'eau, je souhaite qu'il, prédise vrai ; mais je ne crois pas aux
 années thaumaturges. Comme l'homme fait, il trouve. Epreuve