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 82               BÉRANGER ET PIERRE DUPONT.

  seul vers ou de deux au plus, mais tellement étincelant qu'il
 semble parfois que la chanson tout entière a été faite pour lui.
 Le poète n'a pas besoin de beaucoup d'efforts pour l'amener à
 la fin du couplet; où qu'il soit, le refrain est bien placé, frappe
 fort, et sonne comme un timbre. M. Dupont, au contraire, n'a
 que des refrains très longs, toujours pâles, qui appellent
 plusieurs voix. Remarquez cependant que le poète emploie
 toujours la formule personnelle : mes bœufs, ma vigne, ma
 vache blanche, etc.
    Jusqu'à présent, on a pu voir que l'inspiration démo-
 cratique n'était pas la source habituelle où puisait M. Dupont.
 Transporter dans notre poésie ce sentiment de réalité naïve
 que nous font éprouver les paysagistes hollandais, cultiver la
 rose mystique des légendes, ce n'est pas, on en conviendra,
 s'adonner à une besogne bien révolutionnaire ; aussi, dût mon
 opinion paraître un paradoxe, je déclare, en toute conscience,
 que le livre de M. Dupont ne me semble contenir le sentiment
 démocratique qu'à de très faibles doses. L'artiste, chez lui,
efface le tribun. Ses opinions tiennent plutôt à une espèce de
tendresse et de sympathie universelles qu'à un énergique
sentiment du droit et de la liberté. S'il en était autrement, M.
Dupont serait démocrate dans toutes ses chansons, et, sans le
vouloir, il ne le serait pas à de certaines heures seulement et
quand il s'impose d'avance un thème guerrier. Le Tisserand, la
Chanson de la soie, la Vigne, prouvent clairement ce que
j'avance. M. Dupont nous explique bien l'origine de la soie, la
manière de fabriquer la toile ; mais de ce qui se passe dans
l'âme de l'ouvrier, point de nouvelles. Et la Vigne ? Quel thème
fécond M. Dupont avait là ; le poète réaliste se retrouve dans ces
deux vers.:
                 Le terrain, en pierre à fusil,
                 Résonne et fait feu sous l'outil.
Mais où est le poète populaire ? Ce que cette vigne a coûté de
labeur, la grêle qui la menace constamment, le soleil sans
chaleur; ce vin que le pauvre vigneron se refusera à lui-même,
par économie; le fisc qui, la sonde à la main, suivra le tonneau