page suivante »
FLEURY ÉPINAT. 479 ancien lieutenant, ancien recteur des deux hôpitaux de cette ville, devina le parti qu'on pouvait tirer de cet enfant, et non sans quelques appréhensions des parents, le conduisit à Paris. Une révolution s'y préparait puissante,' implacable, et qui, quoique vaincue, a laissé des traces ineffaçables de son passage. J'ou- bliais de dire que c'était simplement une révolution en peinture. Le chef des novateurs était alors en Italie, c'était David. Nous ne savons chez qui Monsieur de Bigny conduisit l'enfant, mais si celui-ci n'avait que douze ans, ainsi que l'indiquent les notes données par sa famille, on devait être alors en 1776 ou 1777, et David ne rentra en France que trois ans plus tard. En 1780, lors- que David revint à Paris, il ouvrit une école qui devint bientôt une des premières de l'Europe ; Épinat y fut admis. Le maître fut satisfait de la physionomie heureuse du jeune Forézien, et il s'empressa de lui inculquer une haine vigoureuse contre les prétentions de Watteau, les minauderies de Boucher, et l'affé- terie de l'époque. David voulait la ligne droite, la ligne pure, il voulait surtout qu'on sût dessiner. Épinat ne se rebuta point des difficultés, il étudia l'anatomie avec une persévérance à toute épreuve, et bientôt il fut à même de faire honneur à son maître et à son protecteur. En 1784, David, reçu académicien, comblé des gâteries de la fortune, et entouré d'élèves, voulut revoir une seconde fois l'Italie. Épinat, qui avait vingt ans, l'accompagna, mais lorsque David prépara son retour, prêt à prendre sa part des agitations du moment, Epinat, heureux de se trouver au milieu de tant de chefs-d'œuvre, et fier de pouvoir voler de ses propres ailes, préférant d'ailleurs la peinture à cette politique si pleine de dé- ceptions, Épinat aima mieux se fixer à Rome, où tout parlait à son imagination. Il reçut les adieux de son maître. David revint seul à Paris. C'est, nous croyons, dans cette ville, que notre peintre puisa le goût des grands effets. Nulle ville au monde n'a de plus ma- gnifiques horizons. Les ruines ont des aspects grandioses, et le moindre débris prend d'immenses proportions, par la magie des souvenirs.