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DE L'ESPRIT DE LAFONTAINE. 41 i neille, Louis XIV lui-même s'étaient chargés de cette besogne. 11 y aurait à faire sur Lafontaine un travail qui ne serait point sans intérêt, il consisterait d'abord à préciser l'origine de cha- cune de ses fables, à déterminer ensuite la part de ses devan- , ciers, et ce qui lui appartient en propre, tant comme agrément littéraire, que comme sentiment philosophique et modifications morales. Ce que nous appelons la philosophie de Lafontaine serait alors pleinement dégagé. On verrait quel profond senti- ment individuel éclate dans Lafontaine, sentiment qui va jus- qu'à revêtir parfois un accent presque sauvage, témoin ces deux vers -. Quiconque est loup agisse en loup, C'est le plus sage de beaucoup. et ceux-ci: Notre ennemi c'est notre maître, Je vous le dis en bon français. Quoique, pendant toute sa vie, il n'ait eu qu'à se louer de ses protecteurs nombreux et illustres, on peut affirmer cependant qu'il sp sentait à certains moments le cou pelé par le collier de velours qu'il portait. Du reste, il faut le dire, à sa louange, chez lui l'homme de lettres avait l'épiderme très-délicat. A ses yeux, l'Olympe et le Parnasse étaient frères, comme il le dit, et il ajoutait : Les grands se font honneur , dès-lors qu'ils nous font grâce. Sa fable : l'Avantage de la Science, est une satyre dirigée contre la sottise des'financiers qui, pour avoir secouru quelques lettrés, se croyaient d'indispedsables personnages. Lafontaine se montre là le précurseur des philosophes qui, dans le siècle sui- vant, traiteront d'égal à égal avec toutes les puissances, et reven- diqueront, pour la science et la raison, la place qui leur est due dans l'économie générale de la société. Je note en passant ce vers : ' Reste dans ton pays, par la nature instruit. La nature ! ce sera le mot d'ordre, la devise, le cri de guerre, sinon la chimère de tout le XVIIIe siècle ; n'est-ce pas là encore