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DU GÉNÉRAL LAPOYPE. 83 tion de Saint-Domingue. Son courage ne se démentit pas un seul instant sur ces plages lointaines où avait flotté pendant si longtemps, glorieux et res- pecté, le vieux drapeau de la France. Et, lorsque la fortune, abandonnant nos armes, le sort de l'armée d'expédition se trouva compromis, Lapoype, grâce aux sympathies que son nom, mêlé à ceux des partisans de l'abolition de l'esclavage en France, avait éveillé parmi les noirs, fut assez heureux pour faciliter au général en chef Leclerc la conclusion d'abord, et puis la fidèle exécution d'une capitulation que l'irritation des noirs en général, et le ca- ractère en particulier de Dessalines et de Christophe auraient peut-être rendu impossible. Nous devons ajouter, comme un hommage aux vertus de Lapoype, un trait qui suffit à caractériser l'estime et le respect qu'il avait su inspirer, Le fameux chef des noirs, Toussaint Louverture, retenu prisonnier en France, ne voulut indiquer qu'au général Lapoype, malgré les sollicita- tions du premier consul, l'endroit où étaient cachés ses immenses trésors. Embarqué pour retourner en France vers la fin de t8o3, le général de Lapoype fut pris en sortant du Cap. Le bâtiment qu'il montait devint la proie des croiseurs anglais. Ces derniers dirigèrent leur prise vers Portsmoulh, où ils arrivèrent dans le mois de [février de l'année suivante. Il obtint bientôt sa liberté, mais à la condition expresse qu'il ne reprendrait les armes qu'après. le complet échange des prisonniers anglais et français. Cet échange ne fut en- tièrement effectué qu'en 1812. Compris, cette année-là , parmi les généraux destinés à commander les di- visions de l'armée formidable que l'empereur Napoléon avait organisée contre la Russie, il fut, après la retraite de Moscou, en I S I 3 , pourvu du comman- dement de la place de Wittemberg sur l'Elbe. Ce fut dans cette ville, que la main des hommes et la nature avaient oublié de fortifier, que le général de Lapoype immortalisa à tout jamais son nom par une de ces défenses héroïques dont les fastes militaires de l'antiquité ont seuls gardé le glorieux et retentis sant souvenir. Surpris par un corps russe considérable, il dressa à la hâte des retranchements, faibles murs de terre, derrière lesquels il arrêta et tint en échec l'ennemi. La résistance fut énergique, si énergique même, que les Russes, qui avaient compté s'emparer sans coup férir d'une place qu'aucuns travaux de défense ne protégeaient, levèrent précipitamment le blocus, après avoir entendu le coup de canon de la bataille de Lulzen, qui annonçait la victoire des Français. De Lapoype ne resta pas longtemps tranquille dans la ville dont le nom se lie désormais si intimement au sien ; il fut cerné de nouveau, après la bataille de Leipsik. Sa résistance fut, celte seconde fois, non moins héroïque que la