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                    CONSTANTIN LE BRACONNIER.                     337
     Du reste, trop nonchalant pour former des chiens parfaitement
  créances, il se contentait de leur apprendre à quêter et à con-
  naître le gibier, les laissant libres d'agir chacun suivant son
  instinct ou ses aptitudes. Là, se bornait son enseignement, qui
  ne dépassa jamais [l'instruction primaire.
     Pendant l'arrière-saison, nous allions souvent, Constantin et
  moi, battre les grands bois de Saint-André ou de Montribloud,
  pour tuer quelques bécasses ou mettre un lièvre sur pied.
  Comme il connaissait parfaitement le pays à dix lieues à la
  ronde, sa vieille expérience nous était fort utile, et rarement
  nous rentrions sans rapporter quelque chose.
     Dans ces occasions, Constantin chaussait de vieilles bottes
  énergiquement radoubées, et présent inestimable pour lui, de
 quelqu'un de ses clients, presque toujours du bon docteur C...,
 aussi aimable convive qu'adroit tireur et savant antiquaire ;
 puis, chargé d'un horrifique fusil double, long de plus de cinq
 pieds, et dont la crosse brisée ne tenait qu'à l'aide d'un fil de fer,
 il sifflait sa meute et abattait autant de gibier que s'il eût porté
 la meilleure arme de Gobert ou de Perret.
    Dans les mauvais jours, quand la chance était malheureuse ou
 le temps trop défavorable, quand nous étions dégoûtés par une
 longue battue sans résultat, je mettais en laisse tous nos chiens,
 à l'exception d'un cornaud jaunâtre et velu, élève favori de
 mon compagnon, et bien dressé au badinage. J'allais ensuite,
 avec tout le reste de notre personnel, me cacher derrière la
 chaussée de Roussière ou des Brévonnes, et je laissais Constantin
essayer un coup sur les canards, notre dernière ressource, pour
ne pas rentrer bredouilles. Alors, quand_avait tonné sa redou-
table espingole, nous ramassions les morts, et regagnions notre
gîte, avec l'espoir d'une meilleure réussite à la première sortie.
    La chasse au badinage, si fréquemment pratiquée en Bresse,
est, partout ailleurs, tout-à-fait inconnue. Pour l'instruction des
ignorants, je vais, en quelques mots, essayer d'en donner une
idée : elle seule permet d'approcher sûrement et sans bateau les
milliers de canards et de sarcelles qui couvrent, à l'entrée de
l'hiver, les grands étangs de la Dombe.
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