Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
[ Revenir aux résultats de la recherche ]
page suivante »
                      M. A.-C.-H. TMM0LET.                       117
     Je quittai le palais, me croyant grandi d'une toise, pourtant
  les tambours ne battirent pas aux champs, le peuple ne me
  porta pas en triomphe... et je fus réduit, comme le commun des
  martyrs à promener sur mes deux jambes mes douces émo-
 tions dans le parc royal !...
     La plus grosse épine étant sortie de ma plaie, je sentais tout
  te bien-être qu'on éprouve après une opération difficile!... je
 jouissais de la vie ! Le ciel me paraissait plus pur, la ville plus
  belle, et les hommes meilleurs!... Aussi, ce jour-là, visitai-je
 les galeries des amateurs et les ateliers des artistes. Ces derniers
 sont en petit nombre et peu encouragés par leurs concitoyens et
 par la cour. Mon affaire avait transpiré, malgré tout le secret
 dont on l'avait environné, et leur inspirait un sentiment de
 jalousie qui perçait à travers les compliments qu'ils se croyaient
 obligés de me faire. Cependant aucun poignard, que je sache,
 ne fut dirigé sur ma poitrine ; et c'est vraiment dommage pour
 ma vie artistique qui y eût gagné un intérêt dramatique,
 dont il faut qu'elle se passe «ornme de bien d'autres choses.
    Le succès de mon tableau fut à peu près complet à la cour.
 La reine le louait, et personne assurément n'eût osé la con-
tredire. Et la preuve qu'on était assez content de mon ouvrage,
 c'est qu'on me proposait de faire le portrait du roi. A cela, il n'y
avait qu'une petite difficulté, c'est qu'il ne voulait pas poser,
et qu'il m'eût fallu le prendre à la volée. Ma foi, comme je
ne suis pas un faiseur de pochades, mais au contraire l'homme
positif par excellence, je crus devoir refuser cet honneur qui, pro-
bablement, n'eût pa,s été sans profit.
    M. de Costa eut l'heureuse idée d'insinuer dans l'esprit de Sa
Majesté, qu'ayant commandé ce tableau comme prince de Sa-
voie, il serait bien maintenant de le payer comme roi de Sar-
daigne. Ce que Sa Majesté fit de la meilleure grâce du monde, à
mon grand contentement, regrettant seulement que ce brave et
digne prinee n'ait pas en son pouvoir tous les trésors du Nou-
veau-Monde. Le lendemain, je reçus le prix convenu, augmenté
des largesses royales ! Quoique je ne sois ni intéressé, ni cupide,
ni avare, j'avoue que je ne pus voir sans un certain contentement