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TABLEAU DE LYON. 89 Je ne connais, dans cette immense cité, qu'une seule demeure qui rappelle la maison bourgeoise de Dijon, par ses dispositions, c'est la maison curiale d'Ainay. La maison lyonnaise est percée d'allées et cousue de servi- tudes ; elle se subdivise en une foule de dépendances inscri- vant des cours étroites, communes, formant de véritables laby- rinthes. Au fond, c'est ici le vieil esprit fraternel et de com- munisme chrétien qui survit, et il y a un côté louable dans cet état de choses qui s'en va chaque jour. L'allée, l'escalier , à Lyon, sont considérés comme des continuations de la voie pu- blique : la maison ne commence qu'à l'appartement ; et il est peu de villes où il soit aussi somptueux, aussi propre, aussi bien tenu qu'à Lyon. Ajoutons que le portier lyonnais est un type inconnu ailleurs. 11 y est généralement invisible , logé au quatrième, ex- cepté dans les nouvelles demeures des rues Bourbon, Centrale. Il n'y a guère que les maisons neuves et riches qui aient leur entrée et leur escalier éclairés. L'escalier lyonnais, en gé- néral, reçoit le jour par de grands vides sans vitrages. Si l'on a affaire aux habitants du premier, du deuxième, ou du troi- sième étage, l'habitude lyonnaise est de frapper un, deux, ou trois coups de marteau à la porte de l'allée. 11 y a un signe distinct pour se faire comprendre de ceux qui habitent le fond de la maison. On ne connaît guère ici la porte cochère", la porte fermée sur rue. L'allée commune est presque constamment ouverte. Le peu de jour dans les boutiques lyonnaises, qu'éclaire pour la plupart une lampe en plein midi ; tous ces magasins de la Grande et Petite-Rue Longue, dont les cintres sont fermés, comme en Italie, par les seuls ventaux des portes, tout cela ne nous étonne pas, nous autres Lyonnais ou Burgundo-Lyonnais,- nous y sommes accoutumés ; mais je conçois que l'étranger manifeste quelque surprise. 11 m'est souvent arrivé de plaindre le peu- ple lyonnais forcé, par suite de la déplorable situation architec- tonique des maisons , de passer la moitié de sa vie à monter et à descendre des escaliers, de perdre ainsi son temps qui est son pain, en pénibles allées et venues.