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"256 LETTRES SUR LA SARDAIGNE. ment de leur désir , il l'avait conduite à Cabras, le jour où l'on célébrait la fête du patron. Pour la belle Anita,qui n'était jamais sortie de son village, une cérémonie pareille était un plaisir , qui avait encore l'irrésistible attrait de l'inconnu. Avec son corsage de velours cramoisi, brodé d'or aux entour- nures , et serré aux poignets par de petits grelots d'argent, avec sa jupe violette , bordée d'écarlate , et ses souliers de satin , relevés en pointe , Anila était si jolie, qu'elle devint la reine delà fêle. Et pourtant, ajouta mon franciscain entre deux parenthèses, les femmes de Cabras sont les plus belles de la terre , si belles , que la grande reine Marie-Thérèse , femme d'Emmanuel I e r , passant un jour à Cabras, fut telle- ment ravie de leur beauté, qu'elle donna comme prix un baiser au front de l'une d'elles. « Pendant toute la fête , les jeunes gens firent la cour à Anita; tous voulaient avoir l'honneur de lui donner la main pour la conduire à la danse , et lui venaient offrir des bou- quets de fraises et d'oranges , et des colombes enchaînées. Un surtout, nommé Joseph Romero, beau garçon de Ma- comer , qui, le matin , avait remporté avec son frère le prix de la course , poursuivait Anita de ses soins empressés -, il la suivit partout, et le soir il dansa souvent avec elle. La nuit venue, au moment du départ, son frère s'avança vers moi ; d'une voix émue , il me demanda pour Joseph la main de ma fille , et s'éloigna sans attendre une réponse qui m'eût fort embarrassé. En revenant chez moi , je m'informai auprès des voyageurs de Macomer de ce qu'était Joseph, et j'appris que c'était un brave garçon, mais ne possédant pour toute fortune qu'un petit terrain qu'il cultivait avec son frère Juan- cho. En conséquence, je lui fis dire qu'il devait renoncer à l'espérance de devenir mon gendre. Mais il était amoureux ; et, n'écoulant que sa passion, il quitta son frère , et vint habiter le pays, passant des journées entières autour de ma