page suivante »
86 VOYAGE EN ICARIE. nous le prenons presque toujours trop chaud ou pas assez ; trop long ou pas assez-, arec trop d'eau ou pas assez ! C'est à prendre en haine et en mépris ce vieux monde qui comprend si mal le bain de pied ! En Icarie , on est malade pour compte de la communauté , ce qui supprime les mémoires d'apothicaires. La vie intérieure est déchargée de ces mille soins fatigants dont s'embarrassent nos ménages. On ne lave pas son linge sale en famille : il y a des blanchisseries natio- nales d'où sortent blancs comme neige les caleçons du sensé Valmor et les chaussettes du sage Dinaros , le corset de Mlle Dinaïse et celui de Madame Dinamé , sans que ce qui appartient à la taille svelle vienne jamais à écheoir à la taille maternelle. Et non-seulement la république prend soin de blanchir et de repasser le lingequ'elle fournit à tous ses enfants; mais elle dresse leur table , elle apprête leur repas en commun , un véritable ordinaire de Lucullus. Seulement, Lucullus ne dîne pas chez lui : il dîne chez la République. Et pendant ce suc- culent repas , de la musique et des parfums, des parfums surtout et partout à profusion ! L'Icarie fume comme une cassolette , elle sent bon comme un bouquet ! Tous ces usages sont révélés avec détails par Mlle Corilla , savante couturière qui raconte ces choses de fil en aiguille. Mais je n'en sais pas autant sur l'Icarie que la piquante Co- rilla , que le sensé Valmor, que le sage Dinaros ; et j'aurais, comme disent les poètes du vieux monde, les cent voixd'ai- rain de la renommée, que je ne pourrais jamais dire lous les secrets , tous les mérites de celte organisation si puissante , si complète et si parfaite , qui n'éprouve que l'infirmité du vieux Fontenelle à la fin de sa vie: la difficulté d'être !.. Comment raconter dignement , par exemple , les soins donnés aux malades et aux vieillards dans les hospices , les procédés habiles de la médecine icarienne, les miracles de