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DE LA ROYAUTÉ DE LOUIS-PHILIPPE. 213
ce ne sont là que des épisodes , et on ne doit pas y voir l'esprit
ni l'ensemble de la révolution. Celle-ci, il faut le répéter, a été
dans le moment même et est restée jusqu'ici comparativement
peu violente ; sa force a été moins matérielle que morale , et son
immensité, sa grandeur, consistent dans le caractère social qu'elle
a aussitôt révélé.
Le premier fait qui s'est produit dans ce sens, car il avait
bien réellement cette signification-là , ça été, après la séance
tumultuaire de la Chambre, la proclamation de la République Ã
l'Hùtel-de-Ville. Elle fut demandée par des ouvriers , des com-
battants , des élèves de l'Ecole polytechnique, qui avaient suivi
dans la salle et qui entouraient le gouvernement provisoire. La
plupart de ses membres n'y songeaient pas, n'en voulaient pas,
ou du moins ne parurent pas en avoir pris le parti tout d'abord
et d'eux-mêmes. Ce fait nous est revenu par l'un des assistants,
qui se trouvait là plutôt en spectateur qu'en acteur ; il nous a
été confirmé par un autre témoin, parfaitement étranger au pre-
mier. Les membres du gouvernement provisoire étaient dans
le plus grand embarras, ne sachant encore que résoudre
et que faire. Ledru-Rollin, les mains dans ses cheveux, s'était
jeté de fatigue sur un canapé , doutant même s'il était du nou-
veau pouvoir, dont l'élection , comme on sait, s'était faite d'une
manière orageuse ; il était à se demander s'il n'y en avait pas
un autre. Les ouvriers , les étudiants , les élèves de l'Ecole po-
lytechnique conversaient, discutaient avec le gouvernement pro-
visoire , refusant, approuvant, indiquant les idées et les choix.
Tout cela se conçoit aisément dans une situation pareille. Arrive
une lettre du général Lamoricière, offrant ses services. On lui
envoie, par le porteur, sa nomination instantanée de ministre de
la guerre. Les assistants l'apprennent, sont furieux, ce général
ayant servi au dernier moment la royauté déchue. Heureusement
il répond par un refus, motivé sur ce qu'il ne connaît pas assez
l'armée , s'offre pour un commandement à la frontière, et indi-
que pour le ministère le général Bedeau. Celui-ci est nommé
sur l'heure ; puis, ayant aussi refusé , ce fut définitivement le
général Subervic. Peu à peu cependant on se décide, toujours au
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