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18 DE LA DOULEUR DANS LE TEMPS.
ques, elle est la satisfaction des besoins spirituels. La vie du
chrétien, c'est le bien-être moral ; comme la vie de l'égoïste,
c'est le bien-être physique. L'homme doit choisir sa nature.
Les riches du monde sont pauvres précisément par où les
saints sont riches. La question est de savoir quelle est la
valeur des richesses du saint et quelle est la valeur de celles
du riche •, car les richesses n'ont de valeur que par leur pro-
priété de satisfaire nos besoins. Quels sont ceux de l'homme :
a-t-il besoin d'immortalité , a-l-il besoin de ce qui est pas-
sager?
Qui saurait compter les richesses de la douleur ! Les hom-
mes qui ont vécu a l'abri de la douleur ont ordinairement peu
de valeur parmi leurs semblables. La vie n'est parvenue Ã
défricher en eux que la surface de l'âme ; leurs sentiments et
leurs affections n'ont pu prendre de profondeur. Ils mon-
trent encore cette sorte d'affabilité banale qui s'efface aussi
vite qu'elle naît ; mais ils ne connaissent point cette large
sympathie qui absorbe la douleur dans ceux qui en sont sur-
chargés. C'est ce qui fait dire que le bonheur rend égoïste et
que le malheur apprend à compatir.
Celui qui n'a point souffert ne sait pas où prendre son
âme.
La douleur s'occupe de rétablir l'égalité des consciences et
des conditions devant Dieu. L'artisan, qui se fatigue du matin
au soir, conserve ordinairement des membres sains et un
esprit paisible ; la douleur visite rarement sa pensée ou son
corps. Le riche , qui se condamne à l'oisiveté, sent à tout
instant sa santé dérangée et son esprit inquiet ; la douleur,
suppléant au travail, poursuit incessamment sa pensée et sa
chair. C'est ce qui fait dire que les pauvres sont heureux et
que les riches ont besoin de l'être.
La douleur met dans l'âme celte intensité si rare qui s'ap-
plique ensuite à toutes nos facultés, et q u i , dans les senti-