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                         DE LA FRANCE.                         455

mais le sentiment de la vie universelle ne triompha de son
individualité. Noire littérature se renferma pendant deux siè-
cles dans des limiles tellement humaines qu'on peut l'accuser
sans exagération de n'avoir jamais senti ni la nature ni Dieu.
   Celte forme abstraitement humaine que prend naturelle-
ment la pensée française, est la première cause à qui elle
doit d'être comprise et acceptée si vile par les autres nations.
Elle continue ainsi l'universalité des lettres grecques et latines.
Si la Grèce et Rome sont encore la source des études dans
toute l'Europe plutôt que l'Orient , cela ne tient pas seu-
lement à nos origines latines, mais à ce que Rome et la
Grèce ont eu les premières une littérature purement humaine.
A ce caractère humain et abstrait qui distingue nos écrivains
classiques se joint l'invariable habitude de considérer l'expres-
sion de la pensée comme devant être un acheminement vers
l'action, et de poursuivre avant tout le résultat pratique; ils
tiennent peu de compte de l'imagination et des facultés spé-
culatives; ils s'adressent sans intermédiaire à l'intelligence
et au sentiment, comme conduisant plus vite à leur but. Or,
comme tout ce qui peut être la matière d'une action dans
l'ordre humain ne sort pas du fini, nos poètes eux-mêmes ne
cherchent jamais à réveiller en nous le sens de l'infini, qui
rarement aboutit à des actes positifs; aussi agissent-ils plus
souvent sur l'esprit que sur le cœur. Car c'est par des échappées
du cœur que nous entrevoyons l'infini ; l'intelligence et le
raisonnement ne nous apprennent rien du monde idéal ; ils
sont nos instruments pour travailler dans l'ordre humain ;
c'est à les fortifier que s'applique avant tout notre littérature.
    Nos philosophes et nos poètes dédaignent l'imagination
pure et la pure spéculation; ils se préoccupent fort peu de
l'infini et du divin. S'il est rigoureusement vrai, comme nous
le pensons, que des deux faces de la penséehumaine, la poésie,
et la prose, l'une s'adresse à l'infini, l'autre au fini; il est