page suivante »
456 DU GÉNIE LITTÉRAIRE- également certain que noire ancienne littérature présente au plus haut degré toutes les conditions de la prose : el comme la prose, dans sa plus haute puissance, c'est l'éloquence, on peut dire de la littérature française des deux siècles derniers qu'elle ne fut pas poétique, mais éloquente. Si l'on en juge par la grandeur de la cause qu'elle a gagnée, jamais plus puissante éloquence n'ébranla le monde, car cette cause n'était rien moins que celle de la société moderne. Le génie français avait une autre œuvre à faire qu'une œuvre d'art pur et de poésie, il étail chargé d'éclairer les principes fondamen- taux de la justice et du droit, d'introduire dans la politique les conséquences du christianisme, d'achever l'affranchisse- ment de l'humanité. Pendant deux siècles l'œuvre littéraire de la France, depuis les Provinciales jusqu'à VEmile, depuis Cinna jusqu'à Mahomet, n'a été qu'une gigantesque plai- doirie, dont Rousseau fil la véhémente péroraison; plaidoirie tour-à -tour grave et légère, ironique ou inspirée, mais ca- chant, sous d'apparentes diversités, une merveilleuse concor-t dance, gardant son unité à travers le mysticisme de Fénelon, le scepticisme des Encyclopédistes et le rationalisme senti- mental de Jean-Jacques, et marchant toujours à la même conclusion, l'égalilé de lous les hommes et leur fraternité devant Dieu. l a France n'est pas un poète peut-être, elle est mieux que cela, elle est un héros; ce que d'autres voient dans leurs rêves et ce qu'ils chantent, la France l'accomplit de ses mains. Sem- blable aux grands hommes de son Corneille, la France, après avoir délibéré avec elle-même pendant deux cents ans, sans se laisser détourner de son œuvre par les séductions de la nature ou par l'allrait d'un autre monde, après s'être animée à l'action par un monologue audacieux et passionné, la France accomplit de 89 à 1815 la plus grande épopée des temps mo- dernes. Ce qui explique el glorifie ses écrits, ce sont ses actes ;