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DE LA FRANCE. 447 Cette distinction, qui existe dans l'essence de ia poésie et de Ja prose et qui se manifeste à l'extérieur par la différence du rhylhme, produit encore entre ces deux sortes de langage une différence de forme plus essentielle que celle de la phrase métrique à la phrase libre. Le langage particulier de la prose est un langage sans figures, sans métaphores, sans inversions, qui présente la pensée dans sa nudité abstraite, qui l'énonce dans une for- mule sans vie à l'état de théorème mathématique. Cette forme, tout en excluant l'incertitude et l'indétermination , en offrant le contour précis de l'idée, ne renferme néanmoins qu'une réalité incomplète et comme le simple squelette de la vérité. L'art de la poésie est plus parfait ; sa langue procède d'une façon plus semblable à la langue divine, à la création, dans laquelle chaque idée n'apparaît que sous une forme sensible, en qui la pensée n'est jamais abstraite de l'expres- sion matérielle, où la forme n'existe qu'avec la vie et le mou- vement. La poésie procède dans son langage par figures; c'est l'union de l'idée et de l'image qui donne à la poésie ce caractère de réalité, et qui l'élève au-dessus de la prose de toute la hauteur qui sépare l'esprit vivant de la lettre morte. Chacune de ces formes de la pensée a sa fonction propre ; celle de la prose s'agrandit chaque jour dans l'âge de l'es- prit humain que nous traversons. Toute idée qui vise à l'ap- plication immédiate, tout système qui veut se réaliser, tout enseignement scientifique et pratique se propage à l'aide de la prose. Une conception ne peut devenir vulgaire dans la plus noble acception du mot, c'est-à -dire universelle , qu'en passant par la prose. Aux premiers âges de l'humanité la langue vulgarisatrice, la langue universelle, ce fut la poésie; aujourd'hui cette universalité est l'attribut de la prose; de lÃ