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 448                 DU GÉNIE LITTÉRAIRE

  vient qu'entre toutes les langues modernes le français est
 l'idiome qui a le plus de droit à la domination. L'éclat de nos
 siècles littéraires, notre ancienne prépondérance politique, les
 guerres qui nous ont mêlés à tous les peuples, l'influence de
 nos idées sociales ont contribué sans doute largement à la
 diffusion de notre langue ; mais si elle reste toujours victo-
 rieuse chaque fois qu'elle se trouve en présence d'un autre
 sur le sol delà civilisation moderne, c'est qu'elle est en har-
 monie parfaite avec le génie de cette civilisation , c'est
 qu'elle porte dans cette absence môme des qualités nécessaires
 à la poésie, toutes les conditions actuelles de l'universalité.
     Ainsi, c'est surtout dans les genres qui tiennent à la prose
 que brille le génie littéraire de la France. La philosophie
 sera merveilleusement servie par l'esprit analytique, le po-
 sitivisme et la clarté de notre langue où l'élément rationnel
 domine à un si haut degré l'influence de l'imagination. Toutes
 les fois qu'une idée devra descendre des hauteurs de la spé-
culation pour animer un code de politique ou de morale ;
cette idée, si elle n'est pas française d'origine, le deviendra
pour arriver à l'universalité. Une langue mieux douée que
la nôtre du côté de l'imagination et du pittoresque ne saurait
aussi bien faire accepter une même idée à des peuples divers
de mœurs, de climats et de religions. Car le génie de noire
langue comme le génie de la nation , par cela même que
l'imagination y est moins riche, que l'élément analytique
et abstrait, que la raison y prédomine, participe à ce privi-
lège d'universalité qui est l'apanage de la raison. Tandis que
l'imagination est plus individuelle, qu'elle revêt dans chaque
peuple et dans chaque homme une physionomie particulière,
la raison est une, invariable, générale ; ni les climats, ni les
mœurs, ni les institutions ne peuvent éteindre ce rayon pur
par où Dieu se communique à tout homme.
  Cette langue française, si chère aux philosophes, le sera