page suivante »
»E LA FRANCE. /|3& Une langue n'est-elle pas un ensemble de signes dont la loi est d'être en rapport exact avec les idées qu'ils représen- tent? Toute œuvre littéraire est elle-même un signe com- plexe, un grand symbole résultant de la réunion de ces signes partiels, et qui formule une pensée générale comme un mot formule une idée particulière. La loi d'une littérature est donc d'être en parfaite analogie avec la langue qu'elle emploie. Examinons donc sommairement les caractères principaux de la langue française. Notre langue est formée des débris de plusieurs idiomes comme la nation qui la parle est formée du mélange de plu- sieurs nations ; elle n'est pas dans son origine le produit d'une seule race, et contemporaine de cette race comme la lan- gue germanique. Pour arriver à la physionomie puissam- ment caractérisée qui la distingue, elle a traversé plus qu'au- cune autre, une lente série de développements ; comme notre unité nationale elle a mis longtemps pour arriver à sa per- fection. Considérée d'après la manière dont les mots s'y engen- drent, cette langue n'offre pas de signes radicaux qui lui soient propres et sur lesquels aient germé des familles entiè- res de mots tous réductibles au mot primordial ; elle ne peut pas, comme la langue grecque ou la langue allemande, créer des mots nouveaux par la juxla position et la combinaison des mots anciens ; d'où il résulte, qu'à part des cas très-rares, lorsqu'elle veut s'enrichir d'une expression devenue néces- saire, elle en emprunte les éléments à un idiome étranger. De nombreux dialectes ont contribué à la former ; jus- qu'ici la linguistique la plus avancée n'a pu découvrir pour quelle part y entrait au juste l'idiome indigène des vieilles Gaules; il est reconnu cependant que l'élément celtique s'y est maintenu contre les dialectes des envahisseurs barbares.