page suivante »
440 DU GKNIE LITTÉRAIRE Elle emprunta peu de choses aux tribus germaniques. Les modifications les plus essentielles qu'elle reçut provinrent de la langue qu'importa chez nos pères Rome civilisatrice et conquérante, de la langue latine. Il est toutefois bien remarquable qu'en empruntant au latin ce qu'on nous permettra d'appeler la matière de la langue , c'est-à -dire les syllabes fondamentales des mots , là France , en façonnant sa langue, a complètement changé l'esprit et les formes essentielles, le caractère intime de la langue latine; si bien que le génie du français est devenu contraire en tout point à celui du latin , de môme que le génie de la nation tout en se rattachant au génie romain s'appuye sur des principes tout à fait opposés. Le français est analytique et positif; le latin esl synthéti- que et amphibologique. Le latin fut la langue des juriscon- sultes, merveilleusement propre à aider l'interprétation du prêteur cherchant à éluder les textes et l'avocat subtilisant avec son adversaire. Le français est la langue de la philoso- phie rationnelle, de la politique, mais d'une politique franche et sans arrière-pensée. Si, laissant celte comparaison des deux langues, nous con- tinuons à énumérer les caractères distinctifs de la nôtre, nous trouverons que la clarté qui la caractérise s'allie au défaut de concision ; les phrases y sont surchargées de mots auxiliaires, c'est celle peut-être entre tous les idiomes mo- dernes qui met en Å“uvre le plus grand nombre de syllabes pour rendre la même idée. Toujours soumise aux lois de l'analogie, elle sait admira- blement définir, elle ne laisse rien subsister de vague et d'in- déterminé dans l'expression ni dans la pensée. Comparati- vement moins abondante que les autres langues modernes, elle n'a pas pour la même idée cette multiplicité de mots dont chacun indique une nuance ou un degré ; ce qui, joint Ã