page suivante »
438 1)0 GÉNIE LITTÉRAIRE Au moment où les traditions romaines triomphaient ainsi dans le droit et dans la politique , dans les manifestations les plus actives de la vie nationale , il était impossible que le même fait ne se produisit pas dans les lettres. Aussi, depuis cette époque, l'imitation de l'antiquité devient la loi générale de nos poètes; ils reproduisent Rome et la Grèce avec l'infé- riorité de toute copie dans ce qu'ils empruntent servilement; mais aussi, en maint détail, avec cette supériorité qu'ils doi- vent au christianisme, quand ils obéissent, souvent à leur insu, à leurs croyances religieuses. Ainsi le génie français, dans ses traditions littéraires, se rattache surtout à la Grèce et à Rome par ses traits les plus saillants, la conscience de la liberté morale, la prépondérance de la raison sur l'imagination , la puissance assimilalrice ; en- fin par le sentiment de l'unité humaine dont le christianisme est venu faire la sainte croyance au dogme de la fraternité , la sympathie universelle et l'esprit de dévouaient. Le génie d'un peuple, avons-nous dit, se manifeste dans toutes les productions de l'activité nationale, dans la philoso- phie et dans les mœurs, dans la politique et dans l'art. Une nation dans toutes les branches de son développement reste identique à elle-même. Aurons-nous besoin de démontrer que le génie de la littérature française et celui de la langue française sont un seul et môme génie? Cette empreinte ca- ractéristique dont la constitution particulière de chacun de nous marque nos actions et nos idées , ces traits de famille qui existent nécessairement dans tout ce qui provient du môme peuple ne doivent-ils pas se rencontrer surtout entre sa langue et sa littérature? Les mois d'une langue sont à une littérature comme sont à un monument achevé les matériaux qui ont servi à le construire et qui avant d'y recevoir leur place ont reçu leur forme elle-même de la pensée de l'ar- chitecte.