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304                 SORTIE DES LYONNAIS.

ques questions sur mon compte : M. Jacquier répondit que
j'étais un marchand de fromage qui venait faire des emplettes
considérables. Nous partîmes, je montai dans le traîneau du
cousin avec deux paysans suisses qu'il emmenait aussi ; mon
conducteur joua l'ivrogne et nous fit passer si bon trahi devant
le dernier bureau, que nous traversâmes sans qu'on eut le
temps de nous arrêter. Un moment après, il s'arrêta tout d'un
coup et m'embrassa avec beaucoup d'affection ; ses camarades
en firent autant et ils me dirent : —A présent, Monsieur, vous
êtes sauvé, ne craignez plus rien, et nous sommes bien aise de
vous avoir obligé.—Je leur témoignai combien j'étais sensible
à leur procédé.— Ah ! nous voyons bien, dirent-ils, que vous
êtes de ces braves et honnêtes Français.
   Nous nous arrêtâmes au premier corps-de-garde suisse,
j'y donnai le nom sous lequel je voyageais; nous y attendîmes
M. Jacquier, et de là nous partîmes pour le chenil; nous
nous rendîmes chez M., aubergiste, c'était un brave homme,
qui jouissait de la meilleure réputation dans son pays ;
sa femme nous reçut avec beaucoup d'affabilité. Le lende-
main, j'allai dîner chez M. Jacquier, je passai deux jours
avec sa respectable famille qui me combla des soins les
plus touchants et les plus généreux. Qu'on juge de ma nou-
velle situation t depuis seize mois je n'avais habité que les
bois et les souterrains, les granges et les greniers ; je n'avais
pas passé un seul jour sans craindre pour ma tête et sans dé-
sespérer pour ainsi dire de ma vie: je me trouvais tout-à-coup
en liberté de pouvoir respirer tout à mon aise. J'étais logé et
couché commodément ; je n'avais plus besoin de cacher mon
existence et de fuir les regards des hommes comme un cri-
minel. Je me trouvais enfin transplanté sur une terre protec-
trice et hospitalière et sentais renaître en moi le doux espoir
de servir ma patrie. Un changement si subit et si inespéré
fut délicieux pour moi. M. Jacquier qui faisait un voyage Ã