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                      SORTIE DES LYONNAIS.                     303

 donc : le maître arriva, et reconnaissant M. Jacquier, qui
 passait fréquemment par cette route, il lut mon passe-port à
 rebours et nous dit que nous pouvions passer. Nous descen-
 dîmes dans une auberge dont le maître était le meilleur
 homme du monde, il était ami de M. Jacquier et rendait
journellement les plus grands services aux émigrés, ce qui
 me tranquillisa beaucoup, d'autant mieux que Moret était or-
 dinairement surveillé avec beaucoup de rigueur.
     Il me restait encore cinq lieues à faire et trois bureaux à
 passer, celui de Moret, de Ronziers et du bois d'Amont,
 situé à l'extrême frontière : on y était fouillé et visité jusqu'à
 l'indécence. J'avais un peu d'or sur moi, M. Jacquier pria
la famille de l'honnête aubergiste de le prendre et d'aller
nous attendre à quelque distance du bureau, ce qu'elle fit de
très-bonne grâce. Comtois se trouvait alors près de ses pa-
rents et me quitta : c'était un bien brave garçon, mais extrê-
mement borné, et son peu d'intelligence m'avait souvent donné
de l'inquiétude.
    Le temps était affreux, le dégel et le vent rendaient les
chemins impratiquables : nous dûmes cependant au mauvais
temps de passer le bureau presque sans être vus, et nous
trouvâmes l'obligeante demoiselle qui avait passé mon or
et qui me le remit; nous passâmes le bureau de Ronziers avec
le même succès. Arrivé au dernier, qui était celui d'Amont,
M. Jacquier rencontra un de ses cousins, aubergiste d'un
village suisse, tout voisin d'Amont ; nous descendîmes à l'au-
berge, nous y trouvâmes une noce, des municipaux et le com-
mandant de la garde nationale, ils étaient à table et tous un
peu ivres; il fallut boire avec eux; j'étais impatient d'arriver
et le séjour de cette auberge ne me paraissait pas extrêmement
sûre. M. Jacquier confia à son cousin qu'il était avec un de
ses amis qu'il voulait faire sortir de France . le cousin se
chargea de m'emmener dans son traîneau. On avait fait quel-