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302 SORTIE DES LYONNAIS. était découvert il n'y aurait pas de supplice assez affreux pour lui. La servante de l'auberge était l'orateur du cercle et ren- chérissait sur le tout; on aurait pu être embarrassé à moins, cependant je me mis à parler de moi, j'entrai dans leur sens de toutes mes forces et me traitai de mon mieux. Le lende- main j'allai dîner au Pont-d'Ain, j'y rencontrai un honnête homme, qui voyageait en traîneau; il proposa à Comtois de le prendre avec lui, ce qu'il accepta de bon cœur. J'inter- rogeai ensuite Contois ; il me dit qu'il le croyait fort honnête, et qu'il pensait fort bien ; d'après cela je liai conversation avec lui, et cherchai à l'étudier, il fut question du Siège de Lyon ; il me dit qu'il s'appellait Jacquier, qu'il était épicier dans cette ville et qu'il avait servi au siège comme grenadier ; que depuis peu il s'était marié en Suisse et qu'il allait voir sa femme. Je lui parlai des difficultés qu'il y avait à sortir du royaume, surtout par le passage de Moret ; il me dit qu'il avait fait plusieurs fois ce voyage, qu'on n'y trouvait que des gardes de paysans, mais que l'or et l'argent étaient très-difficiles à exporter. Il sortit pour aller donner l'avoine à son cheval, je le suivis à l'écurie, là , je lui parlai du désir que j'avais de sortir de France ; tout m'engageait à me confier à lui: Ne me reconnaissez-vous pas, lui dis-je?—Non, me dit-il, après m'avoir bien observé. — Hé bien ! je suis Précy, votre général, qui ne craint point de s'ouvrir à vous et qui se fie h votre honnêteté. Alors il m'embrassa affectueusement et me promit de favoriser mon évasion. Nous allâmes coucher h cinq lieues du Pont-d'Ain, il prit Comtois dans son traîneau et je le suivis à cheval. Mon passe-port lui parut suffisant pour passer à Moret, et il fut décidé que nous ne quitterions pas la grande route. Je me mis dans le traîneau et laissai mon. cheval à Comtois. Arrivé au corps-de-garde de Moret, mon compagnon dit à la sentinelle d'appeller le commandant du poste, ce qu'il fit en criant : Maître ! venez donc, venez